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LA GUERRE EN PREMIÈRE CLASSE


Septembre 1914.

— Pardon, monsieur, est-ce que toutes ces places seraient libres ?

— Mais oui, madame... Je ne pense pas qu’aucune soit retenue...

Le train de Paris venait de s’arrêter à Limoges. J’avais été tout surpris d’y trouver un compartiment de première classe inoccupé, et je m’empressais d’y prendre possession d’un coin, lorsque deux dames, aussi étonnées que moi de l’extraordinaire aubaine de ce compartiment sans voyageurs par cet héroïque, mais inconfortable temps de guerre où l’on ne savait jamais comment se placer, m’avaient adressé la question à laquelle j’avais répondu. Elles paraissaient alors toutes rassérénées, puis appelaient vite deux femmes de chambre chargées de valises et de manteaux, et les leur faisaient ranger dans les filets.

— Henriette, tenez, mettez-moi ça ici !

— Là, c’est bien.

— Mon grand manteau dans ce coin... Mon petit sac par-dessus...

— Julie, où est le poulet ?

— Henriette, faites attention, n’écrasez pas les raisins...

Installées un instant après chacune dans leur angle, l’une en face de moi, l’autre à l’extrémité opposée, sur la banquette où j’étais moi-même, elles se regardaient en souriant avec un petit soupir de délivrance.