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départ pour la guerre et ses minutes extrêmes. Le train repartit, traversa les plaines d’Alsace.

Dans les vastes champs, frôlés par le Couchant, les paysans s’empressaient de rentrer leurs récoltes. Les voitures, cahotées par les ornières, roulaient dans une hâte grandissante : on fouettait les bêtes, on ramassait les meules, vite, vite, avant que les canons n’arrivassent et que les épis ne fussent écrasés sous les pieds des soldats...

A Avricourt, ce fut, déjà, la poussée angoissée, les fonctionnaires submergés, les nouvelles, plus graves de minute en minute, jetant la panique parmi les voyageurs. Le commissaire spécial annonça que tous les automobiles et tous les bagages étaient pris par les Allemands et arrêtés à la frontière. A l’horizon, le soleil descendait sur la Champagne, hostie sanglante et immense, dernier soleil de la paix, d’un pourpre inoubliable.

J’arrivai à Paris. La gare était pleine de monde. Les gens se cherchaient, s’étreignaient, se précipitaient, s’interrogeant fébrilement. De bouche en bouche, le mot court : « C’est la guerre, c’est la guerre... »

C’était elle, en effet.


FERDINAND BAC.