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L’ÉTERNELLE ALLEMAGNE.

guerre, est livré à « l’envie » de ses membres et aux attaques de ses voisins : il se disloque et se mutile. Le germanisme partout recule. Dans les Marches du Nord-Est seulement, le Hohenzollern fait son métier de margrave, de défenseur de la frontière et de « civilisateur. » Mais au Nord, à l’Ouest, au Sud, à l’Est même, toutes les conquêtes de l’Ancien Empire sont entamées par l’offensive russe, suédoise et danoise, par l’indépendance hollandaise, par les annexions espagnoles et les reprises françaises, par les libertés helvétiques et italiennes, par les défections tchèques, hongroises et polonaises. Quel recul, sur toutes les frontières du majestueux domaine que les Hohenstaufen avaient jadis possédé dans les deux tiers de l’Occident !

Les traités de Westphalie (1648) consacrent tout à la fois la ruine du Regnum et Imperium au dedans et les triomphantes reprises de tous les voisins au dehors : durant les deux siècles suivans (1648-1848), il n’y a plus en vérité d’Allemagne. Du Rhin à l’Oder et de la mer aux Alpes, les clairières germaniques ne sont plus que terrains sans maître, où se donnent rendez-vous toutes les monarchies européennes en envie de guerre ou de chasse : sur ce champ de batailles et de traités, l’Europe entière vient vider ses querelles ; mais l’offensive française surtout s’y donne libre carrière…

Puis l’histoire recommence : après trois ou quatre siècles de contact, l’offensive romaine d’autrefois avait fini par éveiller en Germanie un besoin de cohésion nationale et le désir d’une organisation politique, plus ou moins imitée de la res publica et des lois de Rome. Tout pareillement, les deux siècles d’offensive française produisent « le ciment d’hostilité » qui, peu à peu, restaure la discipline et refait l’unité des Germains. L’empire des Napoléons sert de modèle à l’Allemagne du xixe siècle, comme à la Germanie d’autrefois l’empire des Augustes : un Empire allemand ressuscite le jour où le Marbod des temps nouveaux, Bismarck, trouve dans les conquêtes des Moltke et des Manteuffel les fondations solides d’un imperium certum et d’une vis regia.

Au bout et comme moralité d’une pareille histoire, un aphorisme de M. de Bülow ne prend-il pas toute sa valeur : « Dans la lutte des nationalités, une nation est marteau ou enclume, victorieuse ou vaincue ; il n’existe point de troisième solution ? » La nationalité germanique n’a jamais eu et gardé con-