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hésitations de Napoléon III, qui reculait de jour en jour la date de l’évacuation de Rome impliquée par la signature du pacte.

Il est moins généralement connu, car les preuves en demeurent encore en partie secrètes, que Visconti Venosta, après avoir conseillé à l’Espagne de renoncer à la candidature Hohenzollern, mit toute sa bonne volonté au service du nouvel essai d’alliance fait vers le 20 juillet 1870 par le comte Vimercati. Ce gentilhomme lombard, ami et concitoyen du ministre des Affaires étrangères, se signalait par un amour passionné pour son pays, un dévouement sans bornes au roi Victor-Emmanuel et à l’empereur Napoléon III, et une promptitude de résolution qui fit merveille en plusieurs cas. Dirigé par la clairvoyance de ses affections, Vimercati avait compris que le véritable moyen d’entraîner l’Italie à la guerre, de rendre celle-ci par ricochet populaire en Hongrie et de l’imposer par là à l’Autriche, consistait dans la levée de l’interdiction par laquelle la France éloignait les Italiens des murs de Rome. Visconti Venosta demandait seulement que l’éventualité de l’entrée des troupes italiennes dans le territoire pontifical fût admise comme base d’un traité entre l’Italie et l’Autriche en vue d’une médiation armée dont la France aurait bénéficié. Mais le duc de Gramont s’opposa résolument à ce que la Convention de Septembre « fit les frais de l’accord entre Vienne et Florence, » pour employer les termes d’une dépêche du ministre français. Visconti Venosta se prêta encore dans les premiers jours d’août à des négociations reprises en grande hâte par Vimercati, Arese et le diplomate autrichien Vitzthum, en vue d’un accord austro-italien prévoyant l’entrée en campagne à côté de la France, et cela sans le moindre engagement pour la suppression du pouvoir temporel. Les scrupules de l’Empereur retardèrent une fois de plus la conclusion de cette alliance jusqu’au moment où les victoires des Prussiens la rendirent impossible et rejetèrent Visconti Venosta vers l’Angleterre et la ligue des neutres. Sa fidélité à ses souvenirs et à ses sympathies ne pouvait pas aller jusqu’à risquer l’existence même du nouveau royaume. Il se déroba, le 9 août, aux ouvertures de Bismarck, qui lui offrait Rome et le Tyrol sans marchander, et, après le 20 août, ne se refusa pas, quoique sans espoir, à esquisser, par la mission de Minghetti à Vienne, une tentative d’intervention in extremis dictée à l’âme chevaleresque du roi Victor-Emmanuel par l’infortune de son allié de 1859.