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Venosta appréciait avant tout l’avantage de faire sortir de Rome les troupes françaises et attendait du temps la réalisation complète de l’unité nationale.

Les troubles douloureux provoqués au Piémont par le transfert de la capitale de Turin à Florence firent tomber Visconti Venosta avec tout le ministère. Mais, après un séjour diplomatique sur le Bosphore, il fut rappelé au pouvoir par le baron Ricasoli à l’instant même de la déclaration de guerre à l’Autriche, au printemps de 1866. En arrivant à Florence, il recevait des mains du général La Marmora, chef du Cabinet précédent, un traité d’alliance avec la Prusse, qui fut interprété à Nikolsbourg bien autrement que l’avaient imaginé les négociateurs italiens. Mais l’armée de l’archiduc Albert et l’escadre de Tegethof avaient tenu trop longtemps en échec les troupes du royaume d’Italie. Les limites de fait du royaume se trouvèrent, sauf les forteresses encore occupées par l’Autriche, reculées lors de l’armistice au delà des circonscriptions administratives des provinces vénitiennes. Néanmoins, la Vénétie ne fut point considérée comme une conquête de l’Italie, mais bien comme un cadeau que son vieil ami l’empereur Napoléon lui transmettait après l’avoir reçu de l’Autriche. L’embarras se mêlait à la reconnaissance au sujet d’une acquisition revêtue de formes que l’on considéra comme un peu humiliantes. Il fallut toute l’habileté et surtout la dignité de maintien de Visconti Venosta pour empêcher l’Italie de sortir amoindrie de cette impasse. Revenu une troisième fois au ministère en 1869, il put constater que la place du royaume dans les assises européennes était désormais digne de ses traditions et de ses espérances. La politique courageusement conservatrice que Visconti Venosta avait suivie en faisant, en 1867, une bonne paix avec l’Autriche et que le général Menabrea avait fermement maintenue après les tristesses de Mentana, portait donc ses fruits. Réconciliée avec la Hongrie, et dirigée par un ministre de l’envergure du comte de Beust, l’Autriche était devenue pour l’Italie une amie qu’elle n’a plus retrouvée depuis. La France, inquiète des desseins ambitieux de Bismarck, s’adressait à son tour au Cabinet de Florence pour sceller des pactes qui répondaient aux désirs intimes des deux souverains et pour lesquels on pouvait escompter l’adhésion de Vienne. On sait que son projet de triple alliance échoua en septembre 1869 devant les