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rémois, fils du marchand lainier, à l’enseigne du Long-Vêtu. Sous la nouvelle influence, la politique de conquête et d’envahissement s’empara de l’esprit du roi, né magnifique et glorieux. Le règne, qui avait semblé préluder comme un spectacle de l’âge d’or, devint un règne de luttes sans fin, tel qu’on n’en avait pas vu en France. Ces entreprises de guerre pour la guerre échouèrent dès le premier jour. La Hollande envahie fut, en réalité, notre vainqueur. Quand la convoitise croissante de Louis XIV inquiéta l’Allemagne, les souverains d’Europe formèrent la Ligue d’Augsbourg. Vint la triste aventure de la succession d’Espagne, et aux victoires sans résultats succédèrent les défaites les plus onéreuses. Notre pays fut envahi, et des revers, presque sans précédent, ramenèrent au roi les cœurs de ses infortunés, mais très loyaux, sujets. Dans l’opinion des peuples, la France fut, dès ce moment et pour toujours, la nation « dévorée de la manie de guerre. » Ils se trompaient sur elle, écrit très finement Fustel de Coulanges. « De ce qu’elle est courageuse, ils ont conclu qu’elle est belliqueuse. Ils l’ont appelée nation inquiète, parce qu’elle ne tend pas le cou au joug de l’étranger ; ils l’ont appelée nation agressive, parce qu’elle ne veut pas voir l’envahisseur sur son sol. » Il faudrait tout citer, et je dois m’excuser de ne savoir que résumer bien froidement des pages si expressives.

La politique d’envahissement, si funeste à l’Etat français sous le règne de Louis XIV, est abandonnée, après lui, sous les deux rois insoucians, ou incapables que l’on sait. Elle était si peu dans l’esprit de notre nation, que la Révolution française faillit prendre la résolution de « supprimer les armées. » Voilà encore, je me risque à le dire en passant, une de ces notations qui révèlent un observateur des données de l’histoire, ne marchant pas le même train que tous les moutons du troupeau. La République fut bien obligée, pour raisons de salut public, de recourir aux armes, mais jamais elle ne s’annexa « une province, que par le vœu formel de la population. » Vous entendez l’allusion à l’élan de l’Alsace. L’Empire, fondé par la guerre, fut, moitié de gré, moitié de force, du premier jour jusqu’au dernier, de plus en plus guerroyeur. Dès qu’il fut tombé, la France se reprit, passionnément, à ses traditions pacifiques. Faut-il insister sur les capitulations diplomatiques du gouvernement de Juillet ? La République de 1848 chanta surtout la Marseillaise