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plus d’un trait, — l’anéantissement systématique et forcené de nos églises en fait foi, — des guerres de religion.

« De tous les temps, disait Fustel, les conquérans et les destructeurs ont osé se dire les fléaux de Dieu et les instrumens de sa colère. Mais vous, pasteurs d’âmes, vous devriez savoir mieux que personne qu’il faut y regarder à deux fois avant de mêler le nom de Dieu à nos luttes criminelles. Vous, ministres du Christ, vous invoquez le Dieu des combats. Vous connaissez donc un Dieu qui aime la violence et la guerre ? » Nous nous imaginons bien aisément la surprise irritée des prédicans. Nous connaissons aujourd’hui leur credo. C’est celui qu’Henri de Treitschke, le professeur et archiviste de Berlin, l’historien cher à Bismarck, a proféré plus d’une fois dans ses sursauts de mégalomanie, dans ses accès de rage gallophobe : « Tout théologien qui a le sens commun entend bien que l’expression biblique : tu ne tueras point, ne doit pas plus être prise au pied de la lettre que le précepte apostolique d’abandonner son bien aux pauvres. » Et encore : « Ce n’est pas à nous, Allemands, qu’il appartient de ressasser les lieux communs des apôtres de la paix ou des prêtres de Mammon, ni de nous refuser à voir les nécessités implacables de notre temps. » Treitschke, comme chacun sait, définissait l’époque actuelle une époque de guerre, et cet âge un âge de fer. Pour lui aussi, le danger de l’Europe était l’esprit jésuitique. Si la Prusse devait porter jusqu’au plus haut point la puissance des races de Germanie, c’est parce qu’elle seule avait la force suffisante pour amener les autres nations à se remettre en liberté, en secouant le joug de l’Eglise dite universelle. La Prusse n’était-elle pas la forteresse du protestantisme ? Le catéchisme de Luther n’était-il pas le sceau sacré de l’esprit allemand ?


II

Le 29 octobre 1870, Fustel de Coulanges se reprenait à son œuvre de polémiste pour apprécier, comme ils le méritaient, trois factums que Mommsen, « professeur à Berlin, » avait adressés sous forme de Lettres au peuple italien, et qui, réunis en brochure, constituaient « un véritable manifeste » contre la France.

Les deux premiers de ces écrits visaient surtout à établir que