Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/726

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

historique de la Faculté des lettres de Strasbourg, serait certes le bienvenu à l’Ecole normale : il y entrait vraiment en honnête homme. Le maître qu’il était, allait tout de suite se manifester devant nous.

L’ordre du jour appelait un élève à faire une leçon sur Philippe de Macédoine. Cette leçon avait été préparée avec soin et par un des plus fermes esprits de la jeune bande. En écoutant l’ample étude se développer, personne de nous ne doutait qu’elle ne dût être approuvée du nouveau professeur, au moins pour la composition, qui nous faisait l’effet d’être très régulière. Notre surprise fut grande. Au dire de ce juge, si qualifié pour mesurer et l’effort et le résultat, cette leçon « n’était nullement composée. » Il s’expliqua : l’exposé, qu’on venait d’entendre, pouvait nous paraître ordonné ; mais cet ordre, n’étant pas fourni, déterminé et dominé impérieusement par une idée caractéristique, expression d’un fait incontestable et essentiel, restait un ordre extérieur au sujet ; et ne pouvait, par cela seul, fournir qu’un cadre artificiel, qu’un groupement sans cohésion, sans portée historique. Il ajouta que ce fait essentiel, cette idée caractéristique, il les découvrait, mais dissimulés, mais à peu près perdus dans un coin de cette leçon, abondamment informée et même trop remplie. Il ramena notre attention sur le passage suggestif, qu’aucun de nous n’avait su remarquer. Il dégagea le fait, il dégagea l’idée. Par des moyens d’une telle simplicité, qu’on n’en distinguait la puissance d’effet qu’à la réflexion, il fit surgir de cette idée et de ce fait une distribution nouvelle, et tout le plan s’organisa, pour ainsi dire de lui-même, avec une absolue rigueur. Un premier développement, ramassé en très peu de mots, entraînait après lui, comme un corollaire obligé, le développement qui devait suivre et qui se condensait tout aussi laconiquement, et l’on allait ainsi d’un anneau logique à un autre, sans que la chaîne fût jamais moins continue et moins serrée, jusqu’à la formule de conclusion. Dans cette correction ex tempore se révélait, sans ostentation, mais non pas sans dessein, le génie constructeur qui avait édifié, quelques années auparavant, le monument de la Cité antique.

Ce n’est pas pourtant à la Cité antique, ce chef-d’œuvre d’intuition sur les origines religieuses de la société grecque et romaine, ce n’est pas davantage à l’audacieuse et toutefois