Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/719

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’elle, préoccupations qui ont été à de certains momens assez vives et qui doivent l’être encore, car rien n’est survenu pour les calmer. Est-ce pour ce motif que M. Tisza s’est rendu, il y a quelques semaines, auprès de l’empereur d’Allemagne ? Son langage pourrait le faire croire. Nous avons déjà parlé du discours assez singulier dans lequel il a fait entrevoir la possibilité pour la Hongrie de se séparer de l’Autriche, de rappeler son armée et de pourvoir elle-même à ses propres affaires. Cela aussi était une menace. La Hongrie, insuffisamment protégée, employait tous les moyens pour faille sentir qu’elle devait l’être davantage. Le langage de M. Tisza a sans doute été compris. Depuis, en effet, il a multiplié les affirmations les plus loyalistes au sujet de l’accord entre l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne, et on vient de voir que le baron Burian, son délégué au ministère des Affaires étrangères, a abondé dans le même sens avec beaucoup d’énergie. Toutefois, ce ne sont là que des mots, et, en politique, les mots ne sont pas toujours d’accord avec les actes. La chose est vraie surtout de la politique austro-hongroise, et nous en avons eu des preuves récentes. Jamais le gouvernement autrichien n’a mieux parlé de ses intentions pacifiques qu’au moment où il préparait, d’accord avec l’ambassadeur d’Allemagne à Vienne, l’odieux ultimatum qu’il allait adresser à la Serbie. Il voulait endormir l’Europe dans une sécurité trompeuse à la veille même du jour où il allait pousser un cri de guerre.

L’Allemagne sait mieux que personne ce qu’elle doit croire des protestations de l’Autriche : mais, en même temps que celle-ci les prodigue, il semble bien qu’elle émette aussi des exigences et qu’elle cherche à les imposer. C’est à cet ordre d’idées que se rattache, dit-on, le voyage d(i l’archiduc Charles-François-Joseph à Berlin et au quartier général. Qu’adviendra-t-il de tout cela. Qui pourrait le dire ? mais on le saura bientôt. Depuis quelques jours, une nouvelle expédition est en projet contre la vaillante Serbie. On compte que ses forces épuisées ne lui permettront pas de faire un nouvel effort pour repousser l’envahisseur, d’autant plus que, cette fois encore, l’Allemand se substituerait ou se joindrait à l’Autrichien et que le véritable envahisseur ce serait lui. Ce projet s’exécutera-t-il ? Quelque grandes que soient ses ressources, l’Allemagne ne suffit pas à tout et, si elle étend encore son champ d’action, le moment viendra où son immense effort sera enfin rompu. Mais quelque chose se prépare et nous devons nous y attendre. Tout le mouvement, toute l’agitation dont nous sommes les témoins un peu étonnés, ces changemens de