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très significatives de la Roumanie. Le gouvernement s’y est tenu jusqu’ici, au moins en paroles, dans une correcte réserve, mais notoirement il arme et se prépare. C’est un gouvernement d’opinion, et l’opinion, en Roumanie, développe de jour en jour son action avec une intensité plus grande. Comment le gouvernement y résisterait-il ? Qu’il soit d’ailleurs d’accord avec l’opinion sur le fond des choses, nul n’en doute : la réserve que nous avons constatée chez lui ne s’applique qu’au choix des moyens les plus efficaces et du moment le plus favorable. S’il laissait passer ce moment quand il sera venu, s’il n’agissait pas quand il faudra agir, le pays ne le lui pardonnerait pas. L’occasion qui s’offre en ce moment à la Roumanie de conquérir un territoire habité par 4 millions de Roumains ne se présentera probablement plus avant plusieurs siècles : aussi se montre-t-elle résolue à en profiter. Nous avons parlé de la mission roumaine qui est venue récemment à Paris pour nous faire part de cette résolution dans les termes les plus formels. Elle la cachait si peu que l’univers entier en a eu connaissance. L’écho de ces conversations, de ces toasts, de ces discours, a été entendu à Vienne, et il est à croire que les changemens politiques dont nous Amenons de parler en ont été influencés dans une large mesure. MM. Diamandy, Cantacuzène et Conztantinesco ne mettaient pas en doute qu’un accord était déjà établi entre le gouvernement italien et le leur en vue d’une action commune quand l’heure du destin viendrait à sonner, et cette heure, ils la fixaient à une échéance précise et prochaine. Toutefois, la mission roumaine n’a pas eu jusqu’ici une contre-partie italienne. Après les paroles retentissantes que M. Salandra a prononcées il y a quelques semaines, rien de plus n’est venu de Rome, ce qui ne veut pas dire qu’on n’y parle pas, ni qu’on n’y agit pas ; seulement, tout y est enveloppé de mystère, et nous ne pouvons prévoir l’attitude et la conduite probables de l’Italie qu’en songeant à ses intérêts, qui sont les mêmes que ceux de la Roumanie et ne sont pas moins évidens. Mais peut-être y a-t-il plusieurs manières de les servir, et le gouvernement italien n’a-t-il pas encore choisi celle qui lui paraîtra décidément la meilleure. N’importe : ni à Vienne, ni à Pest, ni à Berlin, on ne peut désormais se faire illusion sur ce qui s’élabore à Bucarest et à Rome, et la diplomatie austro-allemande prépare, de son côté, un immense effort pour dissiper ou détourner un danger de plus en plus inquiétant. Le but qu’elle se propose est double : d’abord et avant tout retenir, si c’est encore possible, la Roumanie et l’Italie dans la neutralité qu’elles ont observée jusqu’ici et