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a été le vrai ministre des Affaires étrangères d’Autriche-Hongrie ; la direction est venue tantôt de Berlin et tantôt de Pest. Le comte Berchtold est allé à la guerre sans avoir bien compris où on le menait : il n’en a pas moins une lourde responsabilité dans les torrens de sang qui coulent aujourd’hui. Nul assurément ne regrettera sa retraite, mais il reste à savoir quelle en est la signification et dans quelle direction nouvelle l’Autriche-Hongrie ya s’engager, ou être engagée. La personne de son successeur, le baron Burian, ne donne pas, à ce point de vue, une indication très précise. Le baron Burian est un diplomate de carrière qui passe pour spécialiste dans les questions balkaniques : il a pu les étudier dans différens postes et a été ministre des Finances et gouverneur de l’Herzégovine et de la Bosnie, fonctions qui ont toujours été réunies sur une même tête. Il est certainement mieux préparé à sa tâche que ne l’était le comte Berchtold, et on s’accorde à reconnaître son mérite ; mais il semble bien que ce n’est pas pour tous ces motifs que le choix de l’Empereur s’est porté sur lui Le baron Burian a été nommé ministre surtout parce qu’il est Hongrois. Le comte Berchtold l’était aussi, mais il semble qu’il y ait des degrés dans cette qualité et que son successeur la possède à une puissance supérieure. En effet, le baron Burian n’est pas un Hongrois comme tous les autres, il est encore l’homme de confiance et un peu l’alter ego de M. Tisza. Et tous les regards se tournent aujourd’hui du côté de M. Tisza. On connaît cet homme politique, très entier dans ses idées, bien qu’il en change quelquefois, doué d’une volonté très forte, entreprenant, hardi, et dont la dictature déborde la Hongrie pour s’étendre sur l’Autriche. Si on recherche à qui, dans la monarchie dualiste, revient la principale responsabilité de la guerre, on reconnaîtra sans peine que c’est à la Hongrie de M. Tisza. Elle a voulu, elle veut toujours mal de mort à la Serbie, qui représente à ses yeux la révolte du monde slave contre la domination magyare en Transleithanie : c’est à Pest encore plus qu’à Vienne que la guerre a été déclenchée par une main résolue. Mais les événemens qui se sont succédé depuis ont trahi les espérances du début. L’enthousiasme qui a accueilli la déclaration de guerre n’a pas tardé à faire place à d’autres sentimens. On avait cru qu’une expédition en Serbie y serait une simple promenade militaire, qu’il n’y aurait nulle part de résistance sérieuse, et que le petit pays serait en quelques jours écrasé par le grand. Les déceptions sont venues vite. La Serbie a manifesté un héroïsme imprévu et, à l’heure même où sa situation paraissait le