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que ne l’avaient été les rigueurs de l’état de siège. L’Autriche avait fini par comprendre que ses méthodes n’obtenaient d’autre résultat que de creuser un abîme toujours plus profond entre le gouvernement et le pays. On s’aperçut à Vienne que l’on faisait fausse route et on envoya à Milan, comme vice-roi, l’archiduc Maximilien, porteur tardif d’une branche d’olivier. En dépit de ses bonnes intentions et de ses mérites personnels, les patriotes crurent nécessaire de faire le vide autour du prince étranger. En même temps, ils entretinrent l’activité de l’esprit public par des manifestations courageuses et passablement effrontées, destinées à porter un défi formel à l’oppresseur et à lui signifier d’une manière non équivoque les vœux populaires. Ce fut le cas de la souscription pour les canons d’Alexandrie, de l’envoi à Turin d’un monument en l’honneur de l’armée piémontaise érigé aux frais des citoyens de Milan, enfin de la distribution de la médaille de Sainte-Hélène aux survivans du Premier Empire. Par les soins des frères Visconti Venosta, Emile et Jean, — ce dernier, le cadet, fut un littérateur de mérite, — cette médaille commémorative instituée par Napoléon III pour raviver le souvenir des exploits de son oncle, parvint jusque dans les hameaux perdus sur les Alpes. C’était une manifestation de haute vertu militaire, arrivant à point nommé pour réveiller les aptitudes guerrières d’un peuple qui avait fourni des contingens précieux à la Grande Armée. Et tous ces vétérans, qui recevaient avec émotion la médaille française, étaient instinctivement ramenés vers la France dont ils attendaient l’émancipation de leur patrie. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre avec quelle confiance Visconti Venosta vit la politique du Piémont s’orienter et se développer dans le sens d’une collaboration intime avec le cabinet des Tuileries. Réfugié en Piémont dès l’hiver de 1859, il accourut au-devant des armées françaises qui franchissaient les Alpes au printemps de cette même année, pour coopérer puissamment à affranchir la Lombardie de la domination détestée de l’Autriche. Le souvenir de ces jours mémorables ne s’est jamais effacé de l’âme clairvoyante de l’homme d’Etat italien. Il devait y rester fidèle jusque sur son lit de mort.

L’Italie, qui avait eu tant à souffrir du principe d’intervention appliqué à tort et à travers par l’Autriche gardienne des traités de 1815, assistait alors au spectacle nouveau et