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Cette révolte ne manquait pas d’entrain ; et l’on peut dire qu’elle eut des conséquences, si elle marque le début de l’autonomie intellectuelle que l’Allemagne chercha désormais. Dans les années qui ont suivi notre défaite de Rossbach, il est certain que le prestige de la France diminua dans les pays voisins. Et Frédéric II, à qui l’Allemagne dut son orgueil en ce temps-là, ne goûtait, lui, que notre littérature et nos arts : les événemens tournent à leur manière capricieuse et autrement que ne le devinaient, ou ne le souhaitaient, leurs auteurs principaux. Mais une révolte est l’indice d’une servitude. L’influence française, que ces jeunes gens de Gœttingue voulaient secouer, on l’a niée ou bien on l’a réduite à peu de chose, même en France : ces jeunes gens la sentaient forte, la sentaient lourde et efficace. Plus ils mettent d’énergie à la dénoncer comme une détestable oppression, mieux ils avouent qu’elle leur a pesé. D’ailleurs, c’est vite fait, de boire à la santé du libre génie allemand : c’est plus difficile de le manifester par des poèmes ; et, quand ces écrivains, prompts à trinquer, en furent à publier leurs écrits nouveaux, on put voir qu’ils étaient encore les élèves, parfois dissipés, de nos poètes.

La question de l’influence française en Allemagne, passionnément controversée depuis longtemps, et mal posée presque toujours, et faussée à l’envi par des historiens illustres, des critiques notoires, a tenté l’un de nos érudits les plus attentifs, M. Reynaud, qui vient de lui consacrer un volume de plus de cinq cents pages, in-octavo ; et ce n’est, dit-il, qu’un « tableau largement brossé : » non, non, mais le travail d’un peintre méticuleux !... Son Histoire générale de t’influence française en Allemagne, M. Reynaud la vit d’abord, assure-t-il, comme une espèce d’introduction à une étude beaucoup moins rapide et succincte. Mais, une introduction de cinq cents pages, cela dépasse les limites habituelles d’un avant-propos : et il consentit alors que, somme toute, il avait écrit une histoire. Néanmoins, il continue ses recherches. Sur les Origines de l’influence française en Allemagne, de 850 à 1150, il a donné un premier tome, énorme ; et il prépare le second : le deuxième, qui sait ?... Il y a là un peu d’excès, à mon avis. La patience de l’auteur, si méritoire, demande au lecteur une assiduité remarquable. L’auteur avoue qu’il n’ose pas s’adresser aux « gens du monde ; » il ne prétend qu’aux « gens cultivés. » C’est déjà très joli ! Mais son livre, son résumé, n’est pas d’une lecture aisée et perpétuellement agréable. Peut-être aurait-il mieux valu résumer davantage encore, ne point accumuler les petits faits qui tendent tous à une même conclusion, dégager plus nettement les épisodes caractéristiques,