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Rien ne peut entraver son œuvre sourde et sûre.
Il se rue à l’assaut de la futaie obscure,
Enguirlande le hêtre, escalade les cieux,
Chevauche les troupeaux des nuages joyeux.
Il tend contre le mur la vigne vierge rouge,
Dont la liane souple au moindre zéphyr bouge.

Il jette, en le fendant, le corset épineux
De la châtaigne bistre aux flancs des monts brumeux.
Octobre est là, les bras chargés de glands, de baies,
Et des mûres qu’on voit dans l’épaisseur des haies.
Il porte dans sa bouche un brin de serpolet
Et suspend à son thyrse un raisin violet.
Octobre est là, si beau qu’on ne peut de sa face
Soutenir la splendeur que nulle autre n’efface ;
Si sublime, si riche et divers à la fois,
Que devant lui, la Muse, hélas ! presque sans voix.
Désespère à jamais de trouver des vocables
Dignes d’en célébrer les instans adorables.
Ce règne mordoré, ces lointains opalins,
Ce feuillage où le feu sertit le gris des lins.
Qui dira les reflets des glèbes retournées
D’après les tons des cieux, les heures des journées ?
Les ondes parcourant la mer verte des prés ?
Les instables trajets des nuages moirés ?
Au milieu du réseau tout dénudé des branches,
Les espaces ouvrant leurs découpures blanches ?
Comment décrire et peindre en mots assez choisis,
En termes, à la fois fluides et précis,
Ces teintes de topaze et ces écharpes bleues
Sur de molles vapeurs flottant durant des lieues ?
Les émaux délicats et les rais nuancés,
Les gammes, les accords sur les champs dispersés ?
Ces bordures de cuivre au long d’une rivière ?
Les mille pâmoisons, les jeux de la lumière,
Cette beauté trop belle et ces émois trop vifs.
Et ces troublans parfums sur les derniers massifs ?

O sublime splendeur des choses flnissantes,
Volupté si profonde éparse dans les sentes,