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sont présentées par la connaissance commune comme des idées simples, irréductibles, qu’on ne saurait reconstruire à l’aide d’opérations portant sur des nombres entiers, qui sont donc essentiellement incapables d’une définition algébrique. Qu’à cela ne tienne ! L’esprit géométrique se refuse à considérer cet espace, ce temps, ce mouvement que conçoivent clairement tous les hommes et dont ils peuvent discourir entre eux sans cesser jamais de s’entendre. Par des opérations portant sur des expressions algébriques, c’est-à-dire, en dernière analyse, sur des nombres entiers, il se fabrique son espace à lui, son temps à lui, son mouvement à lui ; cet espace, ce temps, ce mouvement, il les soumet à des postulats qui sont des égalités algébriques arbitrairement disposées ; et lorsque, de ces définitions et de ces postulats, il a, selon les règles du calcul, rigoureusement déduit une longue suite de théorèmes, il dit qu’il a produit une Géométrie, une Mécanique, une Physique, alors qu’il a seulement développé des chapitres d’Algèbre ; ainsi s’est Faite la Géométrie de Riemann ; ainsi s’est faite la Physique de la relativité ; ainsi la science allemande progresse, fière de sa rigidité algébrique, regardant avec mépris le bon sens que tous les hommes ont reçu en partage.


XI

De cette science allemande, nous n’avons encore considéré que la Géométrie, la Mécanique, la Physique ; c’en sont les parties où l’emploi des Mathématiques est incessant, celles donc qui, le plus aisément, se laissent revêtir de la forme algébrique. Mais les caractères que nous avons reconnus en examinant ces divers chapitres de la science allemande, l’observateur quelque peu attentif les retrouve, croyons-nous, s’il en considère les autres chapitres.

Nul n’ignore, par exemple, le développement extraordinaire qu’a pris, en Allemagne, l’étude de la Chimie. Or l’essor de la Chimie germanique date du jour où la notation atomique est issue des notions de type chimique et de valence, notions qu’avaient enfantées les travaux des J.-B. Dumas, des Laurent, des Gerhardt, des Williamson, des Würtz. Cette notation, en effet, permet, à l’aide de règles fournies par la partie de l’Algèbre qu’on nomme Analysis situs, de prévoir, d’énumérer, de