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nous voudrons ; si grande que soit une vitesse, nous pouvons toujours concevoir une vitesse plus grande. Sans doute, cette vitesse plus grande pourrait être, en fait, irréalisable ; il se pourrait qu’aucun moyen physique n’existât actuellement, qui fût capable de lancer un corps avec une vitesse supérieure à une limite donnée ; mais cette impossibilité, borne imposée au pouvoir de l’ingénieur, n’aurait rien d’une absurdité infranchissable à la pensée du théoricien.

Il n’en est plus de même si l’on admet le principe de relativité tel que l’ont conçu un Einstein, un Minkowski, un Laue ; un corps ne saurait se mouvoir plus vite que la lumière ne se propage dans le vide ; et cette impossibilité n’est pas une impossibilité physique, celle qu’entraîne, pour un effet, l’absence de tout moyen apte à le produire ; c’est une impossibilité logique ; pour un tenant du principe de relativité, parler d’une vitesse qui surpasse celle de la lumière, c’est prononcer des mots qui sont dénués de sens, c’est contredire à la définition même du temps.

Que le principe de relativité déconcerte toutes les intuitions du sens commun, ce n’est pas, bien au contraire, pour exciter contre lui la méfiance des physiciens allemands. Le recevoir, c’est, par le fait même, renverser toutes les doctrines où il était parlé de l’espace, du temps, du mouvement, toutes les théories de la Mécanique et de la Physique ; une telle dévastation n’a rien qui puisse déplaire à la pensée germanique ; sur le terrain qu’elle aura déblayé des doctrines anciennes, l’esprit géométrique des Allemands s’en donnera à cœur joie de reconstruire toute une Physique dont le principe de relativité sera le fondement. Si cette Physique nouvelle, dédaigneuse du sens commun, heurte tout ce que l’observation et l’expérience avaient permis de construire dans le domaine de la Mécanique céleste et terrestre, la méthode purement déductive n’en sera que plus fière de l’inflexible rigueur avec laquelle elle aura suivi jusqu’au bout les conséquences ruineuses de son postulat.

Décrivant « l’ordre de la géométrie, » Pascal disait : « Il ne définit pas tout et ne prouve pas tout ; mais il ne suppose que des choses claires et constantes par la lumière naturelle, et c’est pourquoi il est parfaitement véritable, la nature le soutenant, à défaut du discours. Cet ordre, le plus parfait entre les hommes, consiste non pas à tout définir et à tout démontrer, ni aussi à ne rien définir ou a ne rien démontrer, mais à se tenir