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bien vite de vue, oublions les corps qui le forment, dépistons l’intuition, et ne considérons plus qu’un point dont les coordonnées, dans un espace à n dimensions, seront précisément ces n valeurs. Ce point, qui n’est lui-même qu’une expression algébrique, qu’un mot à consonance géométrique pris pour désigner un ensemble de n nombres, convenons qu’il change, d’un instant à l’autre, de telle sorte qu’une certaine grandeur, représentée par une formule algébrique, soit minimum. De cette convention, si parfaitement algébrique de nature, si pleinement arbitraire d’aspect, déduisons, avec une parfaite rigueur, les conséquences que le calcul en peut tirer, et nous dirons que nous exposons la Mécanique.

Sans doute, le postulat formulé par Hertz n’est point aussi arbitraire qu’il le paraît. Il a été disposé de telle manière que son énoncé algébrique résumât et condensât tout ce que, de Jean Buridan à Galilée et à Descartes, de ceux-ci à Lagrange et à Gauss, les intuitions, les expériences, les discussions avaient découvert aux mécaniciens touchant la loi de l’inertie, touchant les liaisons par lesquelles les corps se gênent les uns les autres dans leurs mouvemens. Mais de toute cette élaboration préalable, Heinrich Hertz, dans l’exposé si absolument précis et rigoureux qu’il nous donne de la Mécanique, ne conserve plus le moindre souvenir ; il en fait complète et systématique abstraction, afin que le principe fondamental de la science prenne la forme impérieuse d’un décret porté par un algébriste librement autoritaire : Sic volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.

Une telle manière de procéder peut d’ailleurs, dans certains cas, produire de très heureuses conséquences.

À force de démêler avec patience l’écheveau complexe des opérations qui ont lentement produit une hypothèse de Physique, l’esprit de finesse s’abuse parfois sur le rôle qu’il a joué ; il en vient à s’imaginer qu’il a fait œuvre d’esprit géométrique ; la suite des considérations, aux transitions délicatement ménagées, par lesquelles il a, peu à peu, préparé l’esprit à recevoir une proposition, il la prend à tort pour une démonstration catégorique de cette proposition. Dans cette piperie, notre Physique française a trop souvent et trop longtemps donné. Il importe de mettre la raison en garde contre cette méprise ; de ne pas lui laisser croire qu’un principe de Physique est démontré par cela seul qu’on l’a rendu séduisant ; il est bon de lui rappeler