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qu’on appelle le sens commun ; il appartient à l’esprit géométrique de vérifier l’exactitude de la déduction par laquelle toutes ces propositions se tirent les unes des autres ; mais il n’a aucun moyen de reconnaître si elles sont ou non conformes à ce que nous savons, avant toute Géométrie, sur les figures planes ou solides ; cette dernière besogne, c’est à l’esprit de finesse qu’elle est à tâche.

Or une des premières vérités, antérieures à toute Géométrie, que nous puissions formuler au sujet de l’espace, c’est que celui-ci a trois dimensions. Quand l’esprit de finesse analyse cette proposition pour saisir ce qu’entend exactement celui qui la formule, découvre-t-il qu’elle ait ce sens : A chaque point de l’espace correspondent trois nombres qui sont ses coordonnées ? Point du tout. Ce qu’il trouve, c’est qu’en attribuant trois dimensions à l’espace, l’homme qui n’est pas mathématicien prétend dire ceci : Tout corps a longueur, largeur et hauteur. Et s’il presse cette affirmation, l’esprit de finesse reconnaît qu’elle équivaut à cette autre : Tout corps peut être exactement contenu dans une boite, de grandeur bien déterminée, dont la figure est celle que le géomètre nommera parallélipipède rectangle. L’esprit de géométrie vient alors pour démontrer que les propositions relatives au parallélipipède rectangle, jugées véritables par l’esprit de finesse, impliquent le célèbre postulatum d’Euclide.

En fouillant dans le trésor de vérités relatives aux grandeurs et aux figures qu’amassa l’expérience la plus vulgaire, l’esprit de finesse rencontre encore ces propositions : On peut, par le dessin, représenter une figure plane, par la sculpture une figure solide, et l’image peut ressembler parfaitement au modèle, bien qu’elle ait une autre grandeur que lui. C’est une vérité dont ne doutaient aucunement, aux temps paléolithiques, les chasseurs de rennes des bords de la Vézère. Or que des figures puissent être semblables sans être égales, cela suppose, l’esprit géométrique le démontre, l’exactitude du postulatum d’Euclide.

Reconnaître ainsi la très large part qui revient à l’esprit de finesse dans le contrôle des axiomes de la Géométrie, cela ne saurait être du goût de la science allemande ; celle-ci fera bon marché de l’accord entre les propositions de la Géométrie et les connaissances tirées du sens commun, puisque cet accord ne