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Tous nos soli, tous nos chœurs, tout l’accompagnement, vinrent de l’ambulance même. A nos infirmiers à nos infirmières, qui avaient soigné les souffrances du corps, il appartenait aussi d’émouvoir les âmes et d’en exprimer les hauts sentimens. Tant à la messe de minuit qu’à colle du matin et au salut de l’après-midi, eux et elles seuls chantèrent. Il n’y eut d’exception que pour la femme d’un de nos blessés les plus grièvement atteints. Elle représentait toutes celles qui de loin, en ce jour habituel de joie » veillaient par la pensée au chevet de ceux qu’elles aiment et qu’elles souffrent de ne pouvoir soigner, de ne pas même revoir.

Mais des grands souvenirs de notre Noël, celui qui me restera comme le plus grand de tous, c’est d’avoir, le matin, porté la joie et les forces de la Communion, sur leur lit de souffrance, à environ quarante blessés, dont plusieurs, sans le savoir, en danger de mort. Dieu ne se fût-il jamais servi de moi pour rien d’autre, je le remercierais de m’avoir créé et de m’avoir fait prêtre.


28 décembre.

Un de ceux qui ont reçu la sainte Communion dans leur lit, l’Irlandais N..., qui souffre ici le martyre depuis trois mois et dont la blessure ne laisse pas d’espoir, témoignait un peu de joie, ce matin, en me montrant les jolis cadeaux que lui a envoyés la Reine comme, du reste, à chacun des blessés anglais. Les soldats du front en ont réçu d’un peu différens.

Notre malade me fait prendre sur son étagère une boîte de métal dorée dont le couvercle porte au milieu le portrait de la Reine entouré d’inscriptions : au-dessus, Imperium britannicum ; au-dessous, Christmas 1914 ; à gauche, France ; à droite, Russie ; aux quatre angles, Belgique, Serbie, Monténégro, Japon. J’ouvre la jolie boite et j’y trouve une pipe, un paquet de cigarettes, un paquet de tabac. A côté de ces présens substantiels, une charmante petite carte apporte « les meilleurs vœux de la princesse Marie et des amis du pays pour un heureux Noël et une nouvelle année qui soit victorieuse. » Une autre carte présente les deux portraits des souverains avec ces lignes au verso, en fac-similé de l’écriture du Roi : « Nos meilleurs vœux pour Noël 1914. Puissiez-vous être bientôt rendu à la santé ! — George. »