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Ses questions l’auraient fait deviner, s’il n’en était lui-même convenu dès que nous fûmes en confiance. Je ne trahis pas de secrets en le disant dans ces notes ; il est probable que l’événement, quand elles paraîtront, aura commencé de se produire. Les signes, du reste, en sont assez visibles dans le langage des hommes d’État, dans les armemens, dans les manifestations de plus en plus vibrantes du sentiment public. Aux quatre millions de Roumains qu’opprime l’insolence magyare, le premier rayon de soleil qui fondra la neige des Karpathes annoncera l’approche, si longtemps attendue, des frères libérateurs... Et en même temps*, osons l’espérer, en même temps se lèveront la Grèce et l’Italie. D’Athènes et de Rome, comme de Paris, de Londres, de Bruxelles et de Pétrograd ; du Parthénon et du Capitole, comme du Kremlin, de Westminster, de Sainte-Gudule et de Notre-Dame, de tous les grands sommets de l’humaine civilisation, un cri unanime s’élèvera contre la menace germaine, et, cette fois, malgré les armes effroyables qu’ils ont tirées des progrès de la science, les Barbares auront la stupeur d’apprendre que le droit est aussi une force.


13 décembre.

Mon adjudant-vicaire étant là pour me rassurer, j’ai assisté, hier soir, à une conférence illustrée sur « les Champs de bataille de la Marne. » M. Gervais Courtellemont, qui l’a donnée à la salle Gaveau, fut témoin des combats qui se livrèrent la seconde semaine de septembre, aux environs de Meaux et qui commencèrent notre délivrance. Il a pu, après la victoire, parcourir les champs de bataille et, grâce aux projections en couleur qu’il a prises lui-même, nous y emmener avec lui.

Jusqu’au document « Quatre mois de Guerre, » publié le 5 décembre dans le Bulletin des Armées, nous n’avions pas compris grand’chose à l’heureux ensemble de succès qui gardera le nom de victoire de la Marne ; il nous suffisait de savoir qu’il avait sauvé Paris de l’investissement et retourné en notre faveur les chances de la guerre. En contact avec des blessés qui y avaient pris part, j’avais, de plus, connu maints détails que la presse n’avait pas donnés. Mais ces détails restaient sans lien et ils se présentaient sous l’angle fatalement étroit qui est celui du combattant individuel. D’un autre côté, le résumé officiel du Bulletin restait trop concis pour donner la sensation