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aujourd’hui à un de nos officiers, et même à un général qui venait voir son fils blessé. Il paraît qu’elle n’est pas si neuve que je le croyais et qu’on en a parlé plus d’une fois dans les sphères compétentes. D’en parler ne suffit peut-être pas.

Et la voilà, cet après-midi, qui reçoit une confirmation plus probante que je ne le souhaiterais. Trente soldats anglais nous arrivent de ce rude et perpétuel champ de bataille qu’est la région comprise entre Ypres et La Bassée. Quelques-uns sont des malades et nous les faisons conduire aux hôpitaux appropriés. Parmi les autres, que nous gardons tous, trois ou quatre sont blessés, mais le plus grand nombre ont les pieds gelés. Si de modestes sabots peuvent épargner à ces braves d’inutiles souffrances et nous garder plus de combattans, ne dédaignons pas les sabots.

Dans un journal de ce matin, je trouve avec émotion, à la liste des médailles militaires, ce nom et ces motifs : « Schoeny, maréchal des logis au 5e d’artillerie de campagne. A fait preuve d’un sang-froid tout à fait extraordinaire à l’attaque de nuit du 31 octobre ; horriblement blessé sur plusieurs parties du corps, a montré un courage inouï en ne faisant entendre aucune plainte et a répondu au commandant de groupe qui lui annonçait qu’il le proposerait pour la médaille militaire : « Je n’ai rien fait pour cela. » Nous avons parlé de ce héros. Le curé de sa paroisse m’écrivait, justement hier, pour me remercier des notes que j’avais transmises sur lui à sa famille et il me disait qu’il n’avait jamais connu de meilleur chrétien.


11 décembre.

Cette fois, j’ai réussi, et mes galoches vont entrer dans le domaine de l’application ; oh ! en petit d’abord ; mais qui sait si l’exemple ?... J’en parlais avant-hier à la comtesse de C... et à deux de ses amies, en leur montrant notre ambulance. Elle a été si émue qu’elle m’a déjà écrit pour me demander ce qu’elle pourrait faire contre le péril des pieds gelés. Je l’ai invitée à se mettre en rapport avec l’œuvre des vêtemens chauds pour les combattans, dont je connais beaucoup les directeurs et les directrices.

L’un de ces directeurs, justement, m’a envoyé, hier même, une visite bien intéressante, celle d’un publiciste roumain, M.D..., qui désirait voir l’ambulance. Je pouvais avoir confiance en lui. Il venait pour s’instruire, il venait voir comment l’on devra secourir chez lui les victimes de la guerre prochaine.