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En particulier, dans la vallée de l’Aisne, la même coupe des terrains qu’à Heurtebise et à Craonne produit les mêmes effets et détermine le même profil, avec un semblable escarpement de calcaire grossier dominant des pentes argileuses. Tel est le cas à Vailly et au Fort de Condé, où le confluent de l’Aisne et de la Vesle a provoqué des batailles furieuses. C’est ce qui se reproduit aussi plus à l’Ouest vers Soissons, Vic-sur-Aisne, Attichy et Tracy-le-Mont. Dans cette région, un détail géologique s’est trouvé prendre une importance militaire imprévue. Nous venons de voir que le couronnement ordinaire de tous ces plateaux est le calcaire grossier qui tire son nom de lutétien de son développement dans le sous-sol de Paris. Cette excellente pierre de taille a été, depuis un temps immémorial, partout où elle affleure, l’objet d’exploitations actives et nous en avons chaque jour la preuve rétrospective à Paris même, quand les fondations de nos maisons ou les travaux de nos métropolitains viennent rencontrer leurs anciens vides. Le même fait s’est produit dans le Soissonnais, où, de tous côtés, sur les deux rives de l’Aisne, abondent les carrières abandonnées, les unes à ciel ouvert, les autres souterraines et souvent transformées en champignonnières. La carte géologique est semée des petits signes conventionnels qui les désignent. Quand, après leur défaite de la Marne, les Allemands poursuivis par nous eurent dépassé l’Aisne, ils eurent malheureusement le temps de se retrancher et d’établir leurs batteries dans un de ces groupes de carrières situées en face de Soissons, vers Pasly. Il a fallu de très longs efforts pour les en déloger.

C’est encore une structure géologique analogue qui détermine les accidens du terrain dans la vallée de l’Oise, autour de Noyon et de Lassigny. Le découpage opéré par les eaux y a entamé et isolé des mamelons tertiaires, parfois jusqu’à découvrir leur soubassement crétacé. Mais, arrivé près de Noyon, le front de bataille, en même temps qu’il se recourbe presque à angle droit, sort de la zone tertiaire pour traverser dans une direction quelque peu arbitraire les plateaux crétacés du Santerre et du Cambrésis. Roye, le Quesnoy-en-Santerre, Albert, Arras sont des champs de bataille récens qui ne suscitent pas d’observations géologiques. En d’autres temps, on s’est battu également à Corbie et à Bapaume. Il ne faut voir là que des tracés divergens sur une très large voie de trop faciles invasions.