Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se font ici sans solennité ; et je n’ai connu que fortuitement celles de la reine Amélie et du prince de Monaco, comme plus tard celles de la princesse Marie et du prince Georges de Grèce. J’aurais aimé apercevoir la première, qui réunit, — talens et malheurs, vertu et rang, — toutes les majestés. Je me serais réjoui de renouveler au second mes hommages personnels. On ne peut le connaître sans s’attacher à lui, pour l’activité qu’il consacre au progrès de l’esprit humain et pour son dévouement à la France. Il la servit en s’engageant sous nos drapeaux dans la guerre de 1870, donnant là, du reste, un exemple que ne manque pas de suivre aujourd’hui son fils et son héritier. Mais, si j’avais eu à choisir entre ces rencontres, j’aurais opté pour celle que m’a ménagée un hasard tout providentiel ; j’aurais opté, en fait de personnes augustes, pour celle qui est née « princesse de Belgique. »


24 novembre.

Les décorations ne sont pas rares dans notre asile de braves, et je tomberais dans la monotonie si je les citais toutes. J’ai mentionné, il y a quinze jours, la collation d’une médaille militaire. Nous avons un sergent arabe, à physionomie délicate el grave, qui l’a gagnée à la ferme de Soupir, par un acte de dévouement dont voici le libellé officiel :

« Aïlammer Achour Benamor, sergent au 3e régiment de tirailleurs indigènes : au combat du 6 novembre, son lieutenant étant tombé mortellement atteint, dans une zone balayée par le feu d’une mitrailleuse ennemie, a, par deux fois, franchi cette zone ; a réussi à ramener le corps de son officier, tout en étant blessé grièvement au genou. »

La blessure, due à une balle explosive, est une des pires qu’on ait eues à soigner ici. Achour Benamor mettra longtemps à s’en guérir ; on le devine à sa photographie, cependant tirée après plus de six semaines de soins. Volontiers, en face d’elle, nous reproduirions le portrait de son jeune lieutenant, qu’il conserve fidèlement entre les feuillets de son livret et qu’il regarde souvent avec émotion. Entre cette noble figure d’Africain et celui qui le frappa d’une balle interdite par les lois de la guerre, quel est le plus avancé en « culture » véritable ?

un de nos officiers, le lieutenant André B..., vient d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur pour le motif suivant :