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immortelle. Mes compagnons s’en rendraient compte comme moi, s’ils occupaient mon « service, > » et peut-être ils en profite- raient mieux. Je vis dans une atmosphère d’héroïsme et de foi.

L’héroïsme, il éclate partout. Jamais l’humanité n’en aura déployé autant. Epouses, mères, fiancées, qui acceptent de voir leurs aimés sur le champ de bataille et qui, s’il en était besoin, les y enverraient ; soldats et chefs, qui exposent sans compter leur vie ; ceux qui ramassent les blessés sous les balles, et celles qui les soignent dans les hôpitaux ; ceux qui ont tout perdu et qui s’y résignent ; ceux qui se dépouillent pour les secourir... Au-dessus de ces milliers d’exemples, comme pour les concentrer en un fait unique : la Belgique ! c’est-à-dire une nation entière sacrifiant tout à sa dignité, au devoir, à l’honneur, et, alors qu’elle pouvait d’un mot échapper au désastre, acceptant, plutôt que de forfaire, la ruine, la faim, l’incendie, les assassinats ; chassée de chez elle avec son roi, avec son armée ; ne possédant plus qu’une parcelle de son territoire, et sur cette parcelle continuant de résister ; agonisante, en apparence, et pourtant sereine, aussi sûre de finalement vaincre qu’elle est sûre de son droit ; toujours la main sur son épée, et en même temps ses yeux levés au ciel pourvoir venir la justice de Dieu. Devant les sublimes leçons d’un pareil spectacle, il y a des momens où l’on croit comprendre pourquoi fut permise la guerre, le monde peut-être n’ayant jamais souffert d’autant de maux, mais jamais non plus ne s’étant élevé à pareil niveau de grandeur morale. En voyant, avant-hier, notre pays entier célébrer avec tout son cœur la fête du roi des Belges et louer par toutes ses voix, du journal à la chaire chrétienne, Albert Ier avec son peuple, je me réjouissais du bien que produisent la contemplation et l’amour de si beaux exemples. C’était bien que, dimanche, à Notre-Dame de Paris, devant notre cardinal, devant la sœur du roi Albert, devant une foule immense qui applaudissait malgré la sainteté du lieu, un éloquent prédicateur terminât ainsi son sermon : « A toute la race belge, honneur et bénédiction dans les siècles des siècles ! »

Aussi j’avouerai bien avoir apprécié comme une vraie faveur de me trouver hier sur le passage de Mme la duchesse de Vendôme, lorsqu’elle parcourait nos salles de blessés ; et j’ai reçu ses encouragemens comme s’ils étaient venus du peuple qu’elle est si digne de personnifier. Les visites, même princières,