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on appelle un traçage préliminaire, avant d’abattre les îlots, les aiguilles, les arches, les piliers qu’elle a commencé par isoler. Ces torrens d’eau quaternaires, qui se cherchaient une issue, avaient réussi déjà à débarrasser la Champagne de son manteau tertiaire ; ils s’acheminaient vers l’Occident en continuant à se frayer une large route, quand leur travail s’est trouvé interrompu par leur épuisement. Nous pénétrons maintenant en curieux dans leur chantier abandonné, qu’occupent seulement encore quelques vieux ouvriers attardés, paresseux et las, et nous pouvons apprécier leur méthode, comme lorsque nous allons voir, près de Baalbeck, dans la carrière romaine, les monolithes géans qui sont restés soudés au sol. Voici deux îlôts, pour lesquels un bien faible effort de plus aurait suffi. L’un, déjà occupé par des villages celtiques, est celui de Berru et de Nogent-l’Abbesse, qui domine Reims d’environ 120 mètres à une distance de 6 à 7 kilomètres. Il est couronné par les couches solides du calcaire grossier lutétien. Un peu plus bas, la nappe de l’argile plastique y forme un plateau boisé. Brimont, à 8 kilomètres Nord de Reims, ne monte guère qu’à une quarantaine de mètres au-dessus de la plaine : ce qui reste de tertiaire y est représenté par des sables et grès siliceux. Pourquoi, hélas ! l’érosion n’y a-t-elle pas été poussée plus loin ? On sait comment, sur ces deux emplacemens d’anciens forts, abandonnés, oubliés par notre défense, les Allemands ont établi des batteries qui ont causé la ruine de Reims.

Immédiatement à l’Ouest de cette ville, la falaise tertiaire est entamée par un large golfe, par un estuaire inversé où pénètre la Vesle. Au Sud, la montagne de Reims, préservée contre l’érosion par les solides meulières de Brie qui occupent le plateau, s’élève à 170 mètres au-dessus de la ville.

Vers le Nord-Est enfin, à l’Est de Brimont et de Berry-au-Bac, l’élimination du tertiaire a été amorcée par des coups de gouge qui ont attaqué l’une après l’autre de haut en bas ses diverses assises solides, profitant des couches d’argile ou de sable interposées pour provoquer des éboulemens. Le résultat, d’un aspect assez singulier, ce sont, entre les rivières de la Vesle, de l’Aisne et de la Lette, de longs pédoncules dentelés dont le découpage rappelle, en plan, la disposition de certaines algues. Au sommet de coteaux longs et étroits qui, sur 15 ou 20 kilomètres de long, se réduisent souvent à 1 ou 2 de large, il subsiste un