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révoltes des Polonais, Danois, Alsaciens, Lorrains et autres « confédérés. »

Les théoriciens du droit germanique ont découvert mille raisons humaines et divines d’en admirer l’essence. De siècle en siècle, catholiques et protestans ont rivalisé de mépris pour le droit païen de Rome, de dévotion pour le droit chrétien de l’ancienne et de la nouvelle Germanie : « Il était dans l’essence du droit germanique, — dit le plus catholique d’entre eux en son apologie du Saint-Empire[1], — d’accorder le plus d’indépendance possible aux diverses classes sociales. Elles étaient libres de diriger et d’administrer librement leurs intérêts privés. Une hiérarchie organique s’élevait de bas en haut. Le père de famille gouvernait sa maison en toute liberté. La réunion des familles formait la commune. Les communes s’organisaient en districts, en cantons, en pays et, dans cette échelle d’associations qui remontait jusqu’à la royauté elle-même, chaque degré ne fournissait au degré suivant que la part de service réclamé par l’intérêt général[2]. »

Pour maintenir cette « hiérarchie organique, » le vieux Dieu allemand fut toujours invoqué comme la source de tout droit et de toute puissance ; l’échelle des associations germaniques est une échelle de Jacob, qui pèse sur la terre et monte jusqu’au ciel : « Toute autorité publique, dit le même théoricien, était considérée comme un pouvoir d’emprunt conféré par Dieu sous la forme d’une charge. Le Roi la recevait de Dieu. Il la transmettait aux membres d’Empire. De ceux-ci, elle passait à leurs hommes-liges et descendait ainsi jusqu’aux plus humbles de ceux qui avaient un droit, une part quelconque au gouvernement. Tout seigneur devait service à un autre seigneur plus grand que lui ; tout subordonné, à son tour, pouvait être seigneur d’un moindre que lui. L’ensemble de la vie sociale reposait sur ces deux principes : commander et servir. »

Commander et servir ; être toujours le serviteur ou le

  1. Voir là-dessus le chapitre de Jean Janssen, l’Allemagne et la Réforme, I, p. 408 : « Dès l’apparition des Allemands dans l’histoire, nous voyons en eux une race différente des autres : ils ne forment pas une nation, mais des peuplades distinctes qu’aucun lien politique ne rattache les unes aux autres et qui ont entre elles les rapports les plus divers ; les unes sont alliées, d’autres se combattent, d’autres enfin vivent dans un isolement complet, » etc.
  2. J. Janssen, l’Allemagne et la Réforme, I, p. 410-411.