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faible volume sous lequel se présentent des quantités importantes de tungstène facilite la contrebande.

Quelques mots également sur l’antimoine, nécessaire pour durcir les balles de plomb. La plus grande partie vient de France ; mais la Hongrie fournit environ 700 tonnes et l’Italie 500 à 600 tonnes. La disette d’antimoine doit se manifester ; car, dès la fin de novembre, le prix de l’antimoine avait triplé : 2 fr. 10 le kilo à Hambourg contre 0 fr. 70, en moyenne, par temps normal.

Nous passons à un grand métal dont il a été beaucoup question ces temps derniers, depuis que l’on a commencé à discuter dans la presse les possibilités d’affamer l’Allemagne : c’est le cuivre. Chacun connaît les emplois que j’appellerai civils du cuivre, surtout comme fils électriques, puis comme dômes et tubes de locomotives, comme laiton pour la décoration, le matériel d’éclairage, comme bronze, etc. Nous insisterons seulement sur ses applications dans le matériel de guerre et nous ferons, à ce sujet, un petit calcul approximatif, sans nous dissimuler que des chiffres semblables indignent généralement les spécialistes par leur imprécision forcée ; mais, pour la très grande majorité des non-initiés, ils ont l’avantage de fixer l’ordre de grandeur, généralement insoupçonné par le public.

La balle du fusil allemand n’est pas en cuivre comme la nôtre et ne contient que moitié de ce métal dans le maillechort de l’enveloppe ; mais sa douille est en laiton, ainsi que la petite plaque du chargeur, par laquelle cinq cartouches sont reliées ensemble. De ces deux chefs, une cartouche correspond environ à 10 grammes de métal [1]. Combien un soldat allemand brûle-t-il de cartouches par jour et, sur ce nombre, combien peut-il en être récupéré par la recherche qui se fait sur les champs de bataille et que doit favoriser la longue immobilité actuelle : nous l’ignorons. Un soldat emporte une centaine de cartouches ; mais cette provision, qui est parfois insuffisante pour une journée, peut, à d’autres momens, durer de longs jours. Au moment où l’ennemi s’avance, une mitrailleuse tire normalement 300 coups par minute et peut en tirer jusqu’à 600 [2].

Admettons seulement, comme moyenne générale, que l’on

  1. L’étui pèse 12 grammes, la balle en plomb 10 grammes, son enveloppe en maillechort 5 grammes.
  2. L’approvisionnement d’une section de mitrailleuses comprend 32 700 cartouches.