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anglais, et de lui interdire ainsi tout réapprovisionnement.

Notre pouvoir est égal pour priver l’Allemagne de nickel ; car ici les deux centres de production mondiaux appartiennent : l’un à l’Angleterre, dans le district de Sudbury, au Canada, qui en fournit les deux tiers, l’autre à la France, en Nouvelle-Calédonie [1]. Près des 25 à 30 000 tonnes extraites annuellement dans ces deux pays, les 80 tonnes de la production norvégienne font piteuse figure, et il faudrait envisager une durée de guerre bien longue pour que les usines de Norvège pussent dépasser 3 à 400 tonnes, ou pour que les Saxons eussent le temps de reprendre les pauvres petites mines autrefois exploitées dans leur pays. Contrairement à ce qui se passe pour tous les grands métaux, les Etats-Unis, pour le nickel, sont importateurs et non producteurs. Aussi, dès la fin de novembre, le prix maximum admis officiellement pour le nickel avait-il déjà doublé en Allemagne : 6 francs le kilogramme contre 3,50. Or le nickel est particulièrement indispensable à l’armement des Allemands. L’enveloppe de leurs balles est en maillechort à 25 pour 100 de nickel ; le métal de leurs canons est de l’acier au nickel, comme celui des bandes chargeurs dans leurs mitrailleuses ; il entre du nickel dans les cuirasses de leurs navires. Les aciers spéciaux employés dans certaines pièces des automobiles, dans les arbres de machines, etc., renferment également du nickel. Et nous ne parlons pas du nickelage superficiel moins indispensable sur les armes. Dans la plupart de ces emplois, la teneur en nickel est faible, il est vrai : 1 pour 100 pour les arbres de machines, 2 pour 100 pour le métal à canons, 5 pour 100 pour les plaques de blindage. Cependant l’artillerie emploie également quelques aciers à haute teneur de 25 pour 100. Tout cela finit par constituer un tonnage que nos ennemis seront fort en peine de se procurer.

Nous sommes moins bien armés pour priver l’Allemagne de chrome. Ce métal est d’un emploi courant pour les blindages, les obus de rupture ; il entre également, à l’état de fer chromé, dans la construction des appareils sidérurgiques. Ici encore les Alliés sont les gros producteurs : la France avec la Nouvelle-Calédonie ; l’Angleterre avec la Rhodesia, les Indes, le Canada, la Nouvelle-Galles du Sud ; la Russie avec l’Oural. Presque

  1. Le 4 décembre, on a arrêté et déclaré de bonne prise un chargement d’environ 3 000 tonnes de minerai de nickel néo-calédonien destiné à l’usine Krupp.