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en tout temps, est forcée d’importer des minerais de fer étrangers, dont la plus grande partie correspond à des qualités supérieures qui lui manquent. Elle en prend près de 3 millions de tonnes en Suède ; elle en tire aussi d’Espagne et même, en temps de paix, d’Algérie. Sauf peut-être celles qui viennent de Suède, ces importations doivent, pour la plus grande partie, lui manquer. Mais ce qui va surtout la gêner dans la fabrication des aciers spéciaux destinés au matériel de guerre, c’est le manque de ces petits métaux qui sont devenus indispensables : soit pour la production même de l’acier Martin ou Bessemer, comme le manganèse ; soit pour les aciers à blindages et à ressorts, les aciers rapides ou extra-durs, comme le nickel, le chrome, le molybdène, le tungstène, le vanadium. Ainsi que nous allons le voir, pour quelques-uns des plus utiles, les centres uniques de production dans le monde appartiennent aux Alliés, et il s’agit donc ici d’une disette qui peut devenir rapidement presque irrémédiable.

Cette remarque s’applique en premier lieu au manganèse que les métallurgistes ajoutent, sous la forme de ferro-manganèse ou de spiegel, dans la fabrication de l’acier, pour réduire l’oxyde de fer dissous dans la masse et obtenir l’épuration. On admet que la consommation moyenne par tonne d’acier est de 10 kilos. Pour les 15 millions de tonnes d’acier que l’Allemagne produit en temps normal, cela représente annuellement 150 000 tonnes de manganèse, ou 300 000 tonnes de minerais à 50 pour 100. En admettant même que la fabrication de l’acier soit tombée à moins de moitié, la production allemande de manganèse ne peut y contribuer que pour une très faible part. Les seules mines d’Allemagne, situées dans la Hesse et le Nassau, produisent à peine 80 000 tonnes de minerais très inférieurs, à 15 ou 20 pour 100 de teneur, qui peuvent tout au plus représenter 15 000 tonnes de manganèse métal. D’où viennent donc les manganèses utilisés dans les usines germaniques, comme dans le reste de l’Europe ? De deux pays principalement : de Russie (gisemens du Caucase et de Nikopol), des Indes britanniques. Aussi tous les métallurgistes se souviennent-ils de l’embarras que leur a causé, en 1906, l’arrêt des mines du Caucase, à la suite des troubles révolutionnaires. Ajoutons seulement un faible appoint du Brésil. Il a été facile de fermer à l’Allemagne les deux marchés principaux, l’un russe, l’autre