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des forts, les machines de toutes espèces, les rails, poutrelles, etc., destinés à la réfection des voies ferrées et à la reconstruction des ponts. Même en temps de paix, les gros cliens recherchés des usines sidérurgiques sont, avec les chemins de fer, la Guerre et la Marine. A plus forte raison dans une période où les arsenaux travaillent nuit et jour au maximum de leur rendement en se faisant aider par toutes les forces de l’industrie privée. Mais il faut se représenter ce que produit, dans son plein essor, la métallurgie allemande et mettre en regard les chiffres assez faibles auxquels correspondent les munitions de guerre. Il entre relativement très peu d’acier dans les obus et les canons. L’obus vide de 77 pèse un peu plus de 3 kilos. En admettant, par exemple, 200 000 obus tirés par jour sur les deux fronts, on arrive à quelque 600 tonnes dispersées en éclats, ou, en chiffres ronds, 18 000 tonnes par mois, 216 000 tonnes par an. L’Allemagne au taux normal fabrique plus que cela d’acier en une semaine. De même un canon pèse à peu près une tonne. S’il fallait fournir le chiffre énorme de 10 000 canons, le poids d’acier utilisé ne monterait donc qu’à 10 000 tonnes : quelques heures de production. Mais, bien que si le problème, sous cette forme directe, ne se pose pas, certaines réflexions sont pourtant nécessaires.

En ce qui concerne les minerais de fer, on ne peut s’empêcher de remarquer que, sur une extraction annuelle de 20 millions de tonnes pour toute l’Allemagne, la seule Alsace-Lorraine (à laquelle il faudrait ajouter le Luxembourg) en fournit 14 millions. Les mines sont sur notre frontière, les plus éloignées à environ 60 kilomètres de Verdun. Quoiqu’elles se trouvent défendues par Metz et Thionville, il n’y a donc rien de chimérique à envisager leur reprise par nous. Le jour où elles seraient enlevées aux Allemands, il resterait seulement à ceux-ci les 6 millions de tonnes fournies par le pays de Siegen, la Silésie, la Hesse et la Bavière. L’Autriche-Hongrie, de son côté, a trois grands centres de production, en Styrie et Carinthie, en Bohême, dans le Banat, qui sont tous trois éloignés de la frontière russe, mais dont l’extraction totale ne dépasse guère 4 millions de tonnes.

Ne spéculons pas sur des conquêtes futures, puisque notre travail a précisément pour but de voir si on peut arriver au but en s’en passant. Nous devons encore observer que l’Allemagne,