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du lias marneux, surmonté par le fameux minerai de fer de Lorraine et du Luxembourg, dont le cubage se chiffre par milliards de tonnes. Ce sont les bancs les plus durs de ce lias qui constituent les faibles collines de l’Est. Mais, dans l’ensemble, le lias souvent argileux donne des pentes adoucies, au-dessus desquelles le véritable terrain propre à fournir une défense militaire est le jurassique moyen (calcaires à entroques du bajocien, calcaires oolitbiques du bathonien). Les tables à peu près horizontales de ce jurassique occupent les plateaux de Faux, de Sainte-Geneviève, d’Amance et la forêt de Haye, où leur pierre que l’on appelle la roche rouge est exploitée pour moellons. Sur les flancs des vallées, elles sont souvent coupées en escarpemens. Leur résistance à l’érosion a fait doublement la fortune du pays : en protégeant au-dessous les minerais de fer plus friables, qui, une fois atteints, auraient été détruits ; en assurant une défense solide à la position de Nancy. L’idée de les retrancher est ancienne et on avait commencé les travaux dès 1875. Les Allemands déclarèrent alors qu’ils considéreraient comme une provocation grave la construction de forts permanens dont l’artillerie pourrait lancer des projectiles en terre allemande ; il fallut renoncer aux plans préparés ; mais le projet demeura et, à chaque alerte nouvelle, notamment après Agadir, on a établi là rapidement des fortifications volantes. Celles que l’on a eu le temps d’exécuter en août 1914 ont joué un rôle considérable dans les batailles de Nancy, dont l’importance réelle a passé un peu inaperçue à un moment où toute l’attention publique était absorbée par l’invasion du Nord, et dont il peut être bon, par suite, de rappeler les grandes lignes.

L’attaque allemande sur Nancy, qui devait se combiner avec la marche des armées du Nord, s’est faite à la fois par quatre voies : de Pont-à-Mousson au Nord par Sainte-Geneviève ; de Château-Salins au Nord-Est ; enfin de Blamont-Cirey à l’Est ou de Saint-Dié au Sud-Est par Lunéville, en suivant les vallées de la Moselle, de la Scille, de la Vezouse et de la Meurthe.

C’est le 22 août que les Allemands, venant de Blamont, occupèrent Lunéville après avoir pris le fort de Manonviller, tandis qu’une autre armée, arrivant de Saint-Dié, prenait Rambervillers et Gerbéviller. Ces armées se mirent aussitôt en marche dans la direction du Sud-Ouest vers Neufchâteau et Chaumont, avec l’intention d’aller couper par derrière notre armée de la