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le droit de visite, se trouvaient en présence d’un envoi très correct qu’elles n’avaient pas le droit d’arrêter, les neutres devant conserver la faculté légitime de se ravitailler, et les surveillans des mers étaient réduits à s’étonner platoniquement de l’extension imprévue prise par certaines consommations en des pays où elles étaient restées jusqu’alors insignifiantes.

Dans une seconde période, les neutres européens ont été amenés l’un après l’autre à défendre l’exportation (ou simplement la réexportation) en Allemagne d’une série de substances, à peu près les mêmes, dont la liste s’est allongée avec le temps. La Suède avait pris un décret de ce genre dès le 22 août. Le Conseil fédéral de Suisse a promulgué une série d’arrêtés le 18 septembre, le 27 octobre, les 5 et 30 novembre. La Hollande a prohibé en octobre l’exportation du pétrole et du cuivre. La Norvège a défendu le 19 octobre l’exportation et la réexportation du pétrole et de la benzine. En Italie, la défense d’exporter le cuivre, l’étain, le chrome, le benzol, le caoutchouc, etc., date du 16 novembre. En Danemark, les limitations à l’exportation ont été édictées le 19 novembre, mais ne portent que sur les substances nécessaires à la population danoise, le gouvernement se considérant toujours comme libre de vendre aux belligérans ce qu’il lui plaît. Cependant, le 15 janvier, ce pays a pris de nouvelles mesures pour empêcher la contrebande : tous les armateurs danois doivent désormais signer une déclaration, en vertu de laquelle leurs capitaines ne transportent pas d’autres marchandises que celles consignées sur leurs papiers réguliers.

Enfin, le cercle achève de se fermer par la Roumanie, qui se trouvait dans des conditions particulièrement difficiles : d’abord comme pays producteur de pétrole et de céréales, entièrement bloqué vers l’occident par l’hostilité de la Turquie, ensuite comme autrefois inféodée à la Triplice. Commercialement, le pétrole est un élément de première importance pour les Roumains qui, depuis longtemps, rêvent de conquérir à leurs huiles une partie du marché européen. Si l’on se rappelle, en outre, que beaucoup de sociétés pétrolifères roumaines sont allemandes, tout au moins par leurs capitaux et par leur direction, on comprend les efforts qui ont dû être tentés pour que l’exportation du pétrole en Autriche restât libre. On a eu cependant le courage de l’interdire, du moins pour les benzines et les résidus destinés aux automobiles, réservant seulement la