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cuivre ou du pétrole. C’est ici que se place l’intervention des neutres voisins de l’Allemagne : les États Scandinaves, la Hollande, la Suisse, l’Italie et la Roumanie.

Le mot de neutralité offre, sous une apparence précise, un sens très vague et peut être entendu de bien des manières, suivant l’esprit dans lequel cette neutralité est pratiquée, depuis la complaisance touchant à la complicité jusqu’à l’hostilité ouverte. Dans le cas présent qui nous intéresse seul, une évolution très nette s’est produite en notre faveur depuis le début de la guerre, et cela pour des raisons d’ordres divers : beaucoup parce que le contraste de notre attitude chevaleresque avec les atrocités allemandes nous attirait des sympathies ; un peu aussi parce que la pression de l’Angleterre prenait une rigueur de plus en plus active.

Le premier sentiment a trouvé son expression très claire dans un article de Maximilien Harden (Zukunft du 19 décembre), où le polémiste allemand déclarait : « La grande majorité des neutres est maintenant contre l’Allemagne. Une grande Puissance et deux peuples belliqueux de l’Europe orientale doivent allonger et raffermir le front de nos ennemis. » D’autre part, il a été facile aux neutres de comprendre que leur intérêt était d’accord avec leurs sentimens. S’ils favorisaient le ravitaillement de l’Allemagne, ils aboutissaient à prolonger leur propre mobilisation, qui leur coûte généralement très cher sans aucun espoir de profit, et ils s’exposaient en outre à des représailles qui pouvaient aboutir à les affamer eux-mêmes.

Quand le cœur et la raison sont ainsi d’accord, les solutions devraient être faciles à trouver. Mais une très simple observation va nous suffire pour montrer qu’il y avait des mesures à prendre, qu’il reste à les compléter, et que les possibilités de ravitaillement frauduleux ont, surtout dans les premiers temps de la guerre, atteint des chiffres considérables. Bornons- nous à comparer les quantités de cuivre exportées de New-York aux divers neutres européens dans la période de septembre-octobre 1913 et dans la période correspondante de 1914. Voici ce que nous trouvons. En 1913, il avait été importé : en Italie, 3 080 tonnes ; aux Pays-Bas, 585 ; en Norvège, 0 ; en Suède, 1 260 ; au total, 4 925. En 1914, on a atteint : 11 310 en Italie, 5 490 aux Pays-Bas, 3 690 en Norvège ; 3 015 en Suède : au total, 23 505 tonnes. A la fin de décembre 1914, les importations