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charbon. Un navire était affrété à New-York pour transporter une cargaison de houille, par exemple à destination de Ténériffe. Un agent de l’affréteur s’installait à bord. Arrivé dans les parages des îles du Cap Vert, il invitait le capitaine à croiser sur une certaine ligne Nord-Sud, et, si celui-ci s’y prêtait, on rencontrait bientôt le croiseur a réapprovisionner.

Ce procédé n’a plus cours et d’ordinaire maintenant le navire vient aborder avec son chargement dans le port neutre prévu au départ [1]. Les bâtimens anglais qui exercent le droit de visite en mer se trouvent donc en présence d’un norvégien, d’un hollandais, d’un italien, qui emportent du cuivre en Europe. S’ils les laissent passer, la contrebande de guerre arrivera un jour, comme nous allons le voir, en Allemagne. Aussi n’autorisent-ils souvent le bâtiment à poursuivre sa route que lorsque les autorités du port auquel sa cargaison est destinée ont pris l’engagement de la faire débarquer et d’empêcher sa réexpédition par terre ou par mer à destination de l’Allemagne. On conçoit les ennuis qui en résultent pour les neutres de bonne foi et leurs réclamations.

De tels reproches sont regrettables ; ils sont difficiles à éviter ; et les Allemands, de leur côté, ont soulevé les protestations des Suédois, quand ils ont prétendu retenir les cargaisons de bois destinées à l’Angleterre ou à la France. Le commerce honnête des neutres doit forcément, nous l’avons dit, souffrir de la guerre. La surveillance efficace est encore bien plus paralysée par un commerce illicite qui reste indéniable. Assurément, on arrête en route bien des cargaisons suspectes, mais il en passe trop d’autres. Des « manifestes » fictifs se fabriquent et s’achètent comme de faux passeports, et ce sont souvent les armateurs les moins honnêtes qui ont le soin de se mettre le mieux en règle. Considérons donc le blocus maritime comme seulement approximatif en raison des indulgences amenées par les protestations des neutres, et suivons maintenant, à travers l’Europe, la marchandise que nous supposons, si on veut, du

  1. Il faut cependant mentionner le cas des grands paquebots allemands et autrichiens internés dans les ports des États-Unis que l’on s’efforce depuis longtemps de faire passer, par une vente fictive, sous pavillon américain pour les employer à la pose des mines ou à la contrebande. A propos du Dacia, le gouvernement de la Grande-Bretagne a déclaré qu’il ne reconnaîtrait pas la vente comme valable et que le paquebot serait saisi, s’il tentait de se rendre dans un port allemand.