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déjà eu recours. Le gouvernement puise dans de semblables stocks quand il fait démonter, dans les localités les moins importantes, les fils électriques ou téléphoniques. Ce ne sont là, toutefois, que des réserves non renouvelables, dont l’intérêt sera d’autant plus faible que la guerre se prolongera plus longtemps. Et, en outre, il n’existe rien de semblable pour des matières qui se détruisent, ou dont les particuliers n’ont aucune raison pour posséder un stock appréciable, comme les nitrates, le chrome, le manganèse, etc.

Ephémère également sera la ressource fournie par le pillage systématiquement organisé des pays envahis. On aura beau vider les dépôts de pétrole belges là, où le temps a manqué pour les incendier comme cela a été fait à Anvers, remplir des trains entiers avec toute la chaudronnerie de la Belgique, réquisitionner le cuivre des usines électriques, enlever les portes de bronze des monumens, dévaliser, après les casseroles de cuisine, les boutons de porte, ce pétrole s’usera, ce cuivre, une fois transformé en douilles de cartouches ou d’obus, reviendra s’enfouir dans les tranchées. Ce qui est beaucoup plus intéressant, parce que c’est l’équivalent d’un fleuve qui coule et non d’un réservoir qui se tarit, ce qui demande à être étudié avec insistance, c’est le ravitaillement continu par le dehors. Dans un pays à très grosses importations de matières premières comme l’Allemagne, ce ravitaillement existe, puissamment organisé, en temps de paix. Nous ne ferons certainement pas trop d’honneur à nos voisins en admettant que leur prévoyance habituelle a préparé, sur ce point comme sur les autres, une mobilisation économique d’avant-guerre. Des pays de transit habituels, tels que la Hollande ou la Suisse, où les agens allemands ont toujours été extrêmement nombreux, se sont trouvés tout désignés pour jouer, au moment voulu, le rôle d’intermédiaires. La mise en œuvre de la contrebande s’est faite savamment. On raconte que les officiers allemands, à l’Ecole de Guerre, emploient leurs loisirs à étudier les ruses de guerre antiques pour chercher le moyen de les moderniser. Il est probable qu’ils en approfondissent aussi de plus récentes, et leur imagination inventive se révèle sans le moindre scrupule toutes, les fois qu’il se présente quelque fourberie à combiner. Dans quelle proportion cette fraude s’est exercée, des chiffres le montreront bientôt. De notre côté, il a fallu, au contraire, organiser