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minéraux, il ne faut pas oublier, bien entendu, la continuation de la vie civile qui, depuis la guerre, se poursuit sous une forme atténuée, mais cependant avec une tendance naturelle à se réorganiser le plus possible. En Allemagne, dès le mois d’août, la métallurgie ne travaillait plus, dit-on, qu’à 40 pour 100 du taux habituel. Néanmoins, jusqu’ici, tout montre que l’existence de 68 millions d’habitans, réduits par la mobilisation à 63, a continué d’une façon presque normale, sauf la restriction capitale qui concerne les commerces d’exportation. Ces élémens civils ont donc, eux aussi, puisé dans les stocks, et cela d’autant plus que nos adversaires ont pu concevoir au début l’espoir de terminer la campagne relativement vite.

Ajoutons enfin qu’il ne faut pas s’imaginer la fabrication du matériel ou des munitions comme destinée à s’arrêter brusquement le jour où manquera telle substance que l’on estimait auparavant nécessaire. Dans un grand pays, où les industries chimiques et métallurgiques sont aussi fortement et scientifiquement organisées qu’en Allemagne, il existe bien des ressources pour suppléer à telle matière déficitaire par une autre que l’on peut se procurer. Rappelons-nous ce qui s’est passé dans la France de 1793, à une époque où la chimie ne possédait pas sa puissance actuelle : pour les matières salpêtrées récoltées un peu partout, pour le charbon de « pierre » substitué au bois comme combustible, pour le bronze des cloches employé à fondre des canons. Un alliage métallique peut à la rigueur être remplacé par un autre, un métal par son homologue. Si le cuivre fait défaut pour les douilles de cartouches, on réussira peut-être à les fabriquer en acier. Quand le pétrole s’épuisera, on substituera le benzol à l’essence, puis l’alcool au benzol. Faute de nitrates, il n’y a aucune impossibilité à organiser des usines électriques destinées, comme celles de Norvège, à extraire l’azote de l’air. Ce sera long, ce sera coûteux ; mais, lorsqu’une industrie, travaillant pour le salut même du pays, n’a plus à faire entrer en ligne de compte le prix de revient, elle est très forte. On ferait la même réflexion pour d’autres substances non minérales, telles que le caoutchouc, dont la synthèse a été théoriquement résolue. Le caoutchouc artificiel coûtait beaucoup trop cher pour être pratique. S’il faut absolument se procurer à tout prix une substance élastique, on pourra songer à ce procédé.