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mesurer dans quelles proportions nous réussirons désormais à en obstruer les trop larges fissures. A cet égard, on ne saurait se dissimuler que c’est un choix à faire. Si l’on veut réellement arrêter la contrebande de guerre, on ne pourra y parvenir qu’en heurtant bien des intérêts privés, en ruinant des relations commerciales avec l’Allemagne qui se chiffraient par centaines de millions, en supprimant les bénéfices illicites et supplémentaires que certains intermédiaires tiraient encore récemment de la situation même. Cela, sans doute, est regrettable ; mais, sauf pour quelques très rares pays étrangers auxquels la continuation des hostilités peut sembler par certains côtés avantageuse, n’est-ce pas l’intérêt général et supérieur de l’humanité, n’est-ce pas aussi l’intérêt pratique et immédiat des neutres que la guerre finisse plus tôt, et ceux qui profiteront de la paix comme nous, ne doivent-ils pas, pour atteindre ce résultat, accepter quelques sacrifices ?


Le problème commercial que nous abordons se pose sous la forme d’une balance économique ; il comporte une demande et une offre, des besoins et des ressources. Voyons quels sont les besoins des Austro-Allemands, que nous appellerons souvent, pour plus de brièveté, les Allemands. Nous passerons ensuite aux ressources. Dans la plupart des cas, nous sommes fort mal outillés pour évaluer avec quelque apparence de précision la consommation de guerre que peuvent faire nos adversaires en acier, cuivre, plomb, zinc, étain, nickel, manganèse, chrome, aluminium, pétrole, nitrates, etc. Nous ne savons rien sur le débit de leurs arsenaux et de leurs usines privées. De tels chiffres restent, par leur nature, éminemment mystérieux, et nous ne sommes même pas en droit d’utiliser, comme termes de comparaison, les renseignemens relatifs à ce qui se passe en France. Mais, quand nous posséderions, pour leur fabrication mensuelle d’obus et de cartouches, des états de situation précis, il faudrait encore faire intervenir deux élémens contradictoires : d’une part, l’existence, avant la guerre, d’approvisionnemens que l’on épuise ; et, d’autre part, la constitution momentanée de stocks importans, nécessaires pour une violente offensive future.

Puis, lorsqu’on évalue la consommation de métaux ou de