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reculer, faute d’avoir pu se ravitailler assez vite en obus ou en cartouches. Le jour où cet état de choses prendrait une tournure définitive dans un des camps, il est trop évident que la guerre serait terminée. Mais, sans aller jusque-là, dès que la gène deviendra sérieuse pour nos ennemis, la paix ne sera pas loin d’être conclue.

Notre intention n’est pas d’examiner les difficultés qui ont pu se présenter à peu près égales des deux parts quand il s’est agi d’organiser des fabrications intensives d’armes, de machines diverses ou de munitions et, pour ne pas étendre démesurément un sujet très vaste, nous n’envisagerons pas non plus tous les élémens d’origine organique, végétale ou animale, nécessaires au renouvellement du matériel, qu’énumèrent les listes relatives à la contrebande de guerre publiées le 6 novembre 1914 et le 3 janvier 1915 ; nous nous bornerons aux métaux et autres substances minérales qui jouent un rôle prépondérant. Nous le ferons uniquement pour l’Allemagne et pour les deux nations qu’elle entraîne à sa suite en des liens de vasselage. La contre-partie serait inutile pour les Alliés, puisque la liberté complète des mers leur assure des conditions de vie normales. Mais, avant d’entamer un tel examen méthodique pour les diverses substances auxquelles nous venons de faire allusion, quelques remarques générales sont nécessaires, afin de montrer toute la complexité réelle du problème posé : complexité qui, nous le craignons, n’apparaîtra que trop dans notre exposé, malgré nos efforts pour rester clair. Il ne suffit pas, en effet, de comparer la consommation normale des Allemands et de leurs associés à leur production pour en conclure le déficit, ni de constater le blocus pour être certain que ce déficit deviendra irréparable dans un délai facile à calculer par une règle de trois. L’enchevêtrement des relations commerciales, financières et politiques dans le monde moderne est extrême, et il y aurait imprudence à confondre, sur ce point comme sur bien d’autres, la théorie avec la pratique, les articles du code avec leur application, les espérances avec les réalités. Avant de chercher complaisamment ce qui se passerait, si le blocus était efficace, il faut d’abord se demander s’il peut l’être et constater que, jusqu’à ces derniers temps, il ne l’a pas été. Le cercle d’investissement commence à peine à se fermer autour de l’Allemagne, et les protestations soulevées chez les neutres peuvent servir d’étalon pour