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culée vosgienne ; il faut s’enfoncer de 1 800 mètres sous l’Alsace pour en découvrir le prolongement. Quand on explore par sondages les terrains intermédiaires, comme on a eu l’occasion de le faire pour chercher les sels potassiques de Mulhouse ou les pétroles de Pechelbronn, on constate que l’affaissement s’accentue de proche en proche par gradins successifs en allant des Vosges vers le Rhin. Sur la bordure, les tronçons de terrains penchés vers le fleuve sont adossés au massif primaire : ils atteignent leur profondeur maxima dans la partie centrale. Ainsi toute la tranquillité de cette plaine alsacienne est l’effet d’un cataclysme : ses strates tertiaires bien horizontales se sont accumulées sur des ruines.

Au Sud de l’Alsace, un système de ces cassures limites, celui de l’Ouest, que l’on a pu suivre de Schlestadt à Guebwiller et Thann, se prolonge vers Belfort pour obliquer au Sud-Ouest dans la direction de Besançon et de Chalon-sur-Saône. Le long de cette faille qui met en contact des terrains d’inégale résistance et qui a donné leur direction aux érosions récentes, il s’est créé une route d’armées toute naturelle, une voie d’invasion, par laquelle on a passé de tout temps entre le bassin du Rhin et le bassin du Rhône. Sur cette route, les strates inclinées des durs calcaires à polypiers, des calcaires à oolithes jurassiques s’accolent contre le massif vosgien en déterminant des crêtes, au haut desquelles des fortifications ont dû se dresser dès les premiers temps de l’histoire.

Belfort même est à l’intersection de cette limite fortement marquée par l’orographie avec une vallée perpendiculaire Nord-Sud, celle de la Savoureuse, que suit la ligne de Belfort à Giromagny. En une vingtaine de kilomètres, on s’abaisse de près de 900 mètres quand on descend du Ballon d’Alsace ; il y a là, sur 24 kilomètres de long, depuis le Ballon de Servance, comme un véritable mur de retranchemens garni de forts. Puis vers le Sud, de Belfort à Délie, sur la largeur de la trouée, le terrain reste à des cotes assez basses, ouvrant passage longitudinalement à la rivière du Doubs, à l’ancienne voie romaine, au canal du Rhône au Rhin, à la ligne Belfort-Besançon, qui sont presque accolées les unes aux autres. Belfort, par suite de sa position à la limite des deux systèmes géologiques, a certains de ses forts, comme le Salbert (cote 647), sur le massif primaire ; d’autres au Sud sur des redens formés par les calcaire récifaux du jurassique