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ne saurait être plus net que celui des plissemens tertiaires régulièrement alignés dans le Jura avec le massif primaire des Vosges. Entre le Jura et les Vosges, la trouée de Belfort peut être, à certains égards, envisagée comme le prolongement d’une troisième région qui confine aux deux premières et qui en diffère non moins complètement : la plaine effondrée de l’Alsace, qu’une zone de fractures fait communiquer, par Belfort et Auxonne, avec une autre plaine d’effondrement, celle de la Saône et du Rhône.

Voici comment se reconstitue l’histoire de ce pays. A l’époque carbonifère, la chaîne des Vosges s’est plissée et soulevée, reliée alors, par une crête montagneuse, à la Forêt-Noire d’un côté comme au Plateau Central de l’autre. Les mers secondaires accumulèrent alors leurs dépôts sur les deux versans de cette saillie vosgienne. Puis vinrent les mouvemens tertiaires, en relation avec le grand plissement plus méridional des Alpes. Quand les Alpes se mirent en marche du Sud au Nord vers leur avant-pays carbonifère, on vit tous les terrains jurassiques et crétacés du Jura poussés devant elles par longs flots parallèles venir se briser contre les Vosges et, comme une mer furieuse dont les vagues se congèleraient, leur série d’ondulations demeura matériellement fixée à jamais dans les plissemens du sol. En même temps ou peu après, le môle ancien, contre lequel s’était écrasé et arrêté cet océan soulevé, se disloquait à son tour et tout un grand compartiment du sol s’enfonçait dans la profondeur entre les Vosges et la Forêt-Noire, pareil à une voûte minée par le génie qui s’écroule derrière une armée en retraite, et dont les culées seules se dressent encore à peu près intactes.

Cet effondrement rhénan, dont la proximité donne sa valeur à la position militaire de Belfort, nos cartes le montrent occupant une longue zone rectangulaire comme tracée à la règle sur 300 kilomètres de long et 30 à 50 kilomètres de large, depuis Bâle et Delle au Sud jusqu’à Bingen et Wiesbaden au Nord, entre Guebwiller et Fribourg, entre Wissembourg et Karlsruhe. Pour y pénétrer et pour en sortir, le Rhin décrit deux fois des coudes à angle droit. Tandis qu’il le parcourt, ce fleuve que nous considérerions volontiers comme une frontière et une limite, reste modestement dans son axe. Des deux côtés, les observations accusent un brusque dénivellement de 2 300 mètres. On vient de quitter un terrain à 5 ou 600 mètres d’altitude sur la