Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fournies autour de cette position offrent pour nous un intérêt de premier ordre. Assurément, Paris n’est pas toute la France et les Allemands y seraient entrés, comme ils le pensaient, au début de septembre, que notre pays n’aurait pas pour cela capitulé. Mais il n’en est pas moins évident qu’une grande force matérielle et morale serait ce jour-là, de ce fait même, passé d’un camp dans l’autre. Autour de Paris, la disposition géologique semble, au premier abord, défavorable. Les terrains forment, en deux mots, une série de cuvettes emboîtées qui plongent vers le sous-sol parisien, partant par exemple des collines de l’Argonne pour passer au-dessous de Paris à 700 mètres de profondeur. Dès lors, tous ces terrains qui présentent une pente générale vers le centre, donnent à l’envahisseur une supériorité sur l’envahi. Paris paye ainsi l’avantage d’être facilement accessible par voies d’eau et par voies ferrées.

Heureusement, ce défaut se trouve corrigé par l’inégale façon dont les terrains de compacités diverses ont résisté à l’érosion. Ce n’est pas seulement dans le détail que des calcaires durs alternent, comme nous le remarquions tout à l’heure, avec des argiles affouillables. Le même fait se reproduit en gros pour des étages entiers. L’infrajurassique argileux contraste avec le suprajurassique calcaire comme les sables et argiles de l’infra-crétacé avec les craies du crétacé supérieur. Il en est résulté, sur les zones argileuses, des plaines basses et humides, souvent couvertes de prairies, qui précèdent les véritables retranchemens des étages calcaires. Chacune de ces zones calcaires forme ainsi une ligne de défense dont le rôle dans notre défense nationale est trop vulgarisé pour que nous y insistions ici. Il suffit de rappeler le parti que Napoléon en a tiré dans la Campagne de France. C’est surtout vers l’Est et le Nord-Est que joue ce phénomène. Les incursions allemandes ayant été vite arrêtées dans ce sens, on ne s’est pas vu forcé d’utiliser ces retranchemens autant qu’on aurait pu le craindre. Nous allons néanmoins avoir à nous en rappeler souvent l’existence en parcourant maintenant la longueur du front, tel qu’il existe avec une persistance inusitée, au moment où ces lignes sont écrites, à la fin de novembre.

Cette excursion facile sur la ligne de feu va commencer par la trouée de Belfort. C’est, sur notre frontière de l’Est, un point d’invasion naturel, mais une porte d’entrée bien défendue. On est là géologiquement à la limite de deux mondes, et nul contraste