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caractère italien. » La Société autrichienne Danubius ayant projeté d’organiser sur le lac un nouveau service de bateaux à vapeur, les Italiens annoncent déjà que ces paquebots seront préparés pour recevoir des canons. Aux fêtes du Centenaire d’Andréas Hofer à Innspruck, nouvelles rixes entre Allemands et étudians italiens, avec leur accompagnement traditionnel Die Wachtam Rhein et l’Hymne à Garibaldi. En 1911, manifestations irrédentistes à la Chambre italienne, parce qu’une représentation théâtrale organisée par la Société Trente et Trieste a été interdite à Florence. A Trieste, les Slovènes manifestent devant le consulat d’Italie et crient : « A bas l’Italie ! Vive Trieste ! A bas les irrédentistes ! » (3 sept. 1909). Expulsion des ouvriers italiens du Lloyd (1909) des chantiers San Marco et de Monfalcone (1912). Sans parler de mille autres incidens venant quotidiennement mettre à une rude épreuve la bonne volonté réciproque des deux gouvernemens, et des manifestations qui, pour le moindre prétexte, se forment place Colonna devant le palais de l’ambassade d’Autriche, aux cris de : « Vive Trente et Trieste ! » aux accens da l’hymne célèbre : « Va-t’en d’Italie, étranger ! »

La tâche du ministre des Affaires étrangères de Victor-Emmanuel est singulièrement délicate : s’il désavoue les manifestations irrédentistes, ou s’il paraît se désintéresser du sort des Italiens molestés dans l’empire voisin, les députés, les journalistes d’opposition, qui, sans crainte des responsabilités, peuvent à bon compte faire montre de patriotisme, lui reprochent de sacrifier la dignité du pays. Sa situation est moins enviable encore quand il doit adressera Vienne des explications, sinon des excuses, à la suite de quelque incident retentissant, comme l’affaire Marcora (1905) : « Il a avili le prestige de l’Italie à l’extérieur en reniant les aspirations nationales, » écrivait le Secolo, et les députés de la Gauche dénonçaient « cette politique de vasselage par laquelle on compromet irrémédiablement l’avenir de l’Italie. » Quand, en 1904, à la suite des événemens d’Innspruck où tant d’étudians italiens furent blessés et emprisonnés, M. Tittoni dit à la tribune : « Je déplore l’événement, » les nationalistes s’indignèrent, estimant la protestation insuffisante. La question de l’Université de Trieste, au sujet de laquelle il avait espéré que les Italiens obtiendraient satisfaction, faillit même amener la retraite du ministre quelques années plus tard.