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de Rome et de Vienne, les relations affectent d’être amicales ; les ministres se visitent périodiquement au Semmering, à Desio, à Pise ou à Abbazzia ; à la suite de ces entrevues, un communiqué annonce au monde que les hommes d’Etat ont examiné dans une complète communauté d’esprit les différentes questions qui se posent en Europe, et que le plus parfait accord règne au sein de la Triple Alliance. Si l’on y fait une allusion à l’irrédentisme, c’est pour déclarer qu’il n’existe plus.

Mais, par un singulier hasard, les ministres ne se sont pas encore séparés que l’irrédentisme vient généralement leur rappeler son existence. Le 3 septembre 1908, au moment d’une nouvelle rencontre du comte d’Ærenthal et de M. Tittoni, les Slovènes de Trieste attaquent des Italiens et blessent le consul d’Italie à coups de pierre. Les autorités autrichiennes expulsent le comte Foscari pour avoir envoyé un télégramme entaché d’irrédentisme à Gabriele d’Annunzio lors de la représentation de la Nave, d’où vive émotion en Italie ; nouvelles protestations parce qu’un officier de l’armée royale, le major Sutto, était puni par ses chefs pour avoir publié une carte où Trieste et Trente étaient qualifiés de « pays non encore restitués à l’Italie. » Sensation plus considérable lorsqu’on dut frapper un commandant de corps d’armée, le général Asinari, qui, à Brescia, remettant un drapeau à ses troupes, avait prononcé les paroles suivantes : « Tournez vos regards vers cette frontière de l’Est, au delà de laquelle il y a des frères italiens qui attendent impatiemment l’heure de la délivrance. De cette caserne se déploient à vos yeux les collines baignées du sang de nos martyrs et plus loin des terres italiennes irredente à libérer... » (1909.)

La même année, un professeur de l’Université de Bologne tenait aux étudians assemblés un discours aussi belliqueux que le général à ses soldats : « Vous devez vous préparer en silence à la guerre contre l’Autriche, comme le Japon s’est préparé a la guerre contre la Russie ; le devoir d’honneur de la jeune génération italienne est de rendre à la mère patrie tous les territoires qui on sont séparés. »

Les journaux de Milan dénoncent les préparatifs militaires poursuivis secrètement par l’Autriche, les parcs d’artillerie lourde organisés à Trente, les bateaux d(5moiitables dissimulés à Riva. Et les incidens irrédentistes se succèdent. En 1909, une réunion a lieu à Vérone u pour conserver au lac de Garde son