Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/511

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de Bellune. En 1905, le Cabinet de Rome demanda un premier crédit de 200 millions « pour fortifier la frontière Nord de l’Italie et pour protéger dans l’Adriatique les intérêts italiens ; » à partir de 1906, sous l’impulsion de l’amiral Bettolo, il organisa le front de mer et les défenses de Venise. De son côté, l’Autriche, profitant des défaites russes en Mandchourie, faisait passer ses régi mens de Moravie dans le Pusterthal, concentrait des troupes dans le Tyrol et y créait même des formations nouvelles. La flotte autrichienne, vigoureusement entraînée, ne demeurait pas non plus inactive dans l’Adriatique ; n’alla-t-elle pas un jour où elle procédait, selon son habitude, à des exercices de tir en vue des côtes d’Italie, jusqu’à simuler une attaque de l’importante ligne ferrée Bologne-Ancône-Brindisi qui longe la mer, à la vive émotion des riverains ? De Vienne, les gazettes de l’Etat-major, Revue du Cercle Militaire, Danzers Armée Zeitung, annoncent qu’une explication avec l’Italie n’est plus qu’une question de temps ; la Neue Freie Presse déclare que « le haut commandement doit compter avec des complications du côté de l’Italie ou des Balkans plutôt que sur des opérations à la frontière russe. » (1906-1908.) Aussi lorsque B. Pellegrini, ancien secrétaire de Zanardelli, publia une étude sur les rapports austro-italiens, intitula-t-il son ouvrage Verso la Guerra ?

On se croirait presque reporté aux années orageuses de 1878-1882, quand, chaque jour, l’agitation irrédentiste menaçait de faire éclater la guerre entre les deux pays. Mais, hier comme alors, les gouvernemens, à Vienne cette fois autant qu’à Rome, demeurent opposés à une rupture. Le gouvernement italien, ne se jugeant pas en mesure d’affronter un conflit, se rend compte de l’impossibilité de conserver, en dehors de l’alliance, des rapports corrects avec son puissant voisin. L’alliée de Berlin, trop heureuse de jouer le rôle d’arbitre, est là d’ailleurs pour brandir à propos « le péril autrichien. » M. de Bulow, dans son discours au Reichstag de novembre 1906, lui montre « les dangers de faire sortir l’Italie du port paisible de la Triplice, » — elle qui vient de passer si difficilement les écueils d’Algésiras.

... « Si l’Italie et l’Autriche n’étaient pas alliées, ajoute-t-il, « leurs relations pourraient bien devenir tendues. » Le gouvernement italien le sait mieux que personne, aussi s’efforce-t-il de verser un peu de cordialité dans l’alliance. Entre les Cabinets