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de l’Italie ? » demandait à la Chambre (13 décembre 1899) M. de Martino, ancien sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. L’Italie s’apercevait de ce que lui avait coûté, financièrement et économiquement, l’association triplicienne. L’évolution de la politique européenne contribuait d’ailleurs, autant que le souci légitime de ses propres intérêts, à écarter insensiblement le Cabinet de Rome des deux Empires germaniques, — accords commerciaux avec la France, arrangemens pour les affaires de Tunisie, mariage du prince héritier et d’une princesse monténégrine, rapprochement avec la Russie, caractérisé par l’échange de visites entre les souverains [1]. La rivalité de l’Italie et de l’Autriche se précisait en Albanie (débats à la Chambre italienne, 1901). Mais a mesure que les relations entre les deux pays devenaient ainsi de plus en plus froides, on assistait peu à peu à une renaissance de l’agitation irrédentiste.

Dès 1899, acceptant la présidence de la « Ligue Nationale irrédentiste, » Ricciotti Garibaldi écrivait : « Non seulement j’accepte, mais je vous remercie. Vous me permettez de prendre ma part d’une œuvre sainte, abandonnée depuis si longtemps, à la honte du peuple italien ; j’entends par là que l’unité de notre patrie n’est pas encore terminée et qu’elle le sera seulement lorsque le drapeau italien flottera sur Trieste et sur Trente. »

En décembre 1900, le journaliste Borghetti, directeur du journal de Trente l’AIto Adige, ayant été expulsé par le gouvernement autrichien, l’affaire fut portée à la tribune de la Chambre italienne. A l’occasion d’un autre incident (inauguration du buste d’un poète italien interdite à Trente), un député apprécia en ces termes l’attitude des deux pays : « En face de la Puissance alliée, l’Italie ne doit pas se comporter comme le clown du cirque qui se confond sans cesse en courbettes et en révérences pour recevoir d’un autre clown des camouflets et des gifles [2]. » En 1901, le député Barzilaï interpella

  1. Les journaux italiens firent remarquer que, lors du voyage de Victor-Emmanuel en Russie, le seul ambassadeur absent de Pétersbourg fut le représentant de l’Autriche : sur l’ordre de son gouvernement, le baron d’Ærenthal était parti la veille de l’arrivée du souverain. (Corriere della Sera, 12 juillet 1902.) Les Italiens n’oublient pas non plus que l’empereur d’Autriche n’a jamais consenti à rendre à Rome la visite que leur roi avait faite jadis à Vienne.
  2. « Cadiamo che, di fronte alla potenza alleata, l’Italia non si comporti corne quel clown della pantomima che si sbraccia di continua in inchini e riverenze per ricevere da un altro clown pizzicotti e ceffoni. » (Interpellation du député Fradeletto.)