Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/503

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Le 15 janvier 1899, les Députés et les Maires de l’Istrie et du Frioul Oriental, réunis dans cette salle, ont affirmé, à l’encontre des récentes prétentions d’autres races, le caractère italien indélébile depuis mille ans de la région comprise entre les Alpes Juliennes et la mer. »

La même année, un congrès réuni à Trieste pour préconiser l’établissement dans cette ville d’une Université italienne protestait contre la création de nouvelles écoles slaves, du collège serbo-croate de Pisino, contre l’admission éventuelle du slovène dans les tribunaux, les administrations et les églises. Car la rivalité entre Italiens et Slaves revêtait même un caractère religieux. Les Italiens ne suffisant pas à assurer le recrutement du clergé, il fallait faire appel à des prêtres slaves du littoral, de Dalmatie ou de Carniole ; ceux-ci considéraient les Italiens avec défiance, et favorisaient naturellement les Slaves à leurs dépens. Mais si les évêques intervenaient pour imposer la neutralité à leurs trop ardens subordonnés, les Slaves menaçaient de se faire orthodoxes [1]. Et, comme dans toute l’Europe orientale, se posait encore la question de savoir quelle serait la langue liturgique, puisque le curé, avec l’approbation de son évêque, peut choisir pour prêcher l’italien ou le slovène.

Jusqu’à ces dernières années, le parti libéral, qui est en réalité le parti irrédentiste, demeurait assez fort et assez uni pour faire passer à Trieste tous ses candidats aux élections municipales. Dans la banlieue seulement l’élément slave réussissait à élire des représentans. Chose qui surprendra ceux qui ne connaissent pas les procédés de l’administration Impériale et Royale, le Gouvernement favorisait aux dépens des libéraux irrédentistes les socialistes et leur journal Il Lavoratore désavoué à plusieurs reprises par l’Avanti [2] et le parti socialiste italien. Toute division profite aux maîtres de Vienne ; il semble qu’Italiens et Slaves aient fini par s’en rendre compte, car leurs relations sont aujourd’hui sensiblement plus cordiales, et même, à certaines occasions, on a vu se former une coalition italo-slave contre les Allemands.

Sur la côte de l’Adriatique, où les Italiens sont en minorité, ils ont dû également en venir à un accord avec les Slaves. Déjà la province de Goritz compte presque deux fois plus d’habitans

  1. Loiseau, loc. cit., p., 54.
  2. Avanti ! 15 lévrier 1906.