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députés se firent élire sur le programme de l’ « autonomie ; » durant plusieurs années, ils s’abstinrent même systématiquement d’aller occuper leurs sièges à Innspruck, refusant par avance de s’associer aux décisions d’une assemblée résolue, disaient-ils, à ne jamais prendre leurs intérêts en considération.

Les revendications politiques des « Tridentin! » n’ont qu’un but : obtenir, par une autonomie plus ou moins large, les moyens de conserver intacts leurs caractères nationaux, leurs usages, leur langue, et de se défendre contre l’invasion d’élémens étrangers. Or, ce n’est pas seulement par les huit ou dix mille Allemands déjà établis dans le Trentin, ni même par les Allemands d’Innspruck ou de Vienne, que les Italiens du Tyrol méridional se sentent menacés dans le maintien de leur nationalité propre. Ils sont exposés, eux aussi, à devenir les victimes de la poussée pangermaniste. Les professeurs des bords de l’Elbe ou de la Sprée, si experts à invoquer les textes historiques, se souviennent que Trente a fait partie du Saint-Empire et de la Confédération germanique. Durant ces vingt dernières années, les habitans du Trentin ont assisté dans leur pays à une progressive pénétration allemande. Allemands les grands hôtels qui se fondent dans les admirables paysages des Dolomites, allemands leur personnel comme leur architecture, allemands les refuges établis sur les sommets, allemandes les inscriptions qui indiquent les sentiers aux pentes des montagnes, — et placées là non seulement par le Club alpin de Vienne, mais par les Clubs de Leipzig ou de Dresde : — toute la population qui, chaque été, envahit le pays, est allemande. Les touristes aux complets vert-pomme et aux feutres surmontés de l’edelweiss paraissent échappés d’un album de Hansi. Cette invasion pacifique irrite d’autant plus les Italiens du Trentin que les Allemands y ajoutent, comme toujours, leur insolence et l’affectation d’une culture prétendue supérieure. Il y a quelques années, une bande de touristes teutons, sous la conduite d’un certain professeur Meyer, pangermaniste notoire, fut reçue dans un village à coups de pierre, et ses membres obligés de se réfugier à la gare la plus proche, couverts de sang et quelques-uns sérieusement blessés.

La propagande en faveur de la langue allemande inquiète surtout les habitans du Trentin, puisque la langue italienne demeure le symbole de leur nationalité. Le Schulverein, d’autres