Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de grands débats eurent lieu à la Chambre italienne, afin de décider quelle devait être désormais la politique extérieure du royaume.

« De bons rapports avec l’Autriche-Hongrie sont plus importans pour nous qu’une rectification de frontière, » constatait le député Marselli, et du reste, ajoutait-il, « aucun Etat ne voudra entretenir des relations d’amitié avec nous, si nous nous montrons peu fidèles aux traités et toujours assoiffés de nouvelles conquêtes. Nous risquons ainsi de compromettre, pour l’Italie non rachetée, l’Italie rachetée. » Visconti-Venosta précisait : « Qui veut la fin, veut les moyens. Le premier est de réprimer l’agitation irrédentiste, » inconciliable avec un rapprochement entre les deux États. Et, pour le démontrer, il lut à la tribune les statuts dans lesquels la Société l’Italia irredenta exposait son programme. Minghetti dénonçait aussi ces associations irresponsables, avec leurs comités secrets. Tolérer une semblable propagande, c’était la guerre. « Et la guerre avec l’Autriche, personne n’en veut, même parmi les membres de l’Italia irredenta, » reconnaissait le député de la gauche Bovio, « quoique d’autre part, ajoutait-il comme restriction, nous n’acceptions pas de renoncer à nos espérances d’avenir. »

Cependant, l’Italie hésitait. La Droite, la Cour, inclinaient vers une entente avec les deux empires de l’Europe centrale, maintenant alliés. Les partis de gauche, où se retrouvaient beaucoup de survivans des luttes de l’Indépendance, conservaient la haine des anciens oppresseurs. Au Parlement et dans la presse, on continuait à discuter la question des relations avec l’Autriche.

« Avant tout, écrivait M. Sonnino dans la Rassegna Settimanale du 29 mai 1881, il faut mettre avec résolution à l’écart la question de l’Italia irredenta. La possession de Trieste, dans la situation actuelle de l’empire austro-hongrois, est de la plus haute importance pour lui, et il lutterait à outrance plutôt que d’y renoncer. De plus, c’est le port le mieux situé pour tout le commerce germanique. Sa population est mixte, comme toute celle qui avoisine notre frontière orientale. Revendiquer Trieste comme un droit serait une exagération du principe des nationalités... Trente, au contraire, est sans conteste terre italienne et compléterait notre système défensif sans avoir pour l’Autriche l’importance de Trieste. Mais nos intérêts dans