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de la Bosnie -Herzégovine constituait une charge plutôt qu’un avantage.

Le 14 juillet 1878, la Société l’Italia Irredenta tint à Naples un grand meeting, sous la présidence du général Avezzana. On y lut des adresses venues de Trente et de Trieste et on acclama l’ordre du jour suivant : « Les intrigues ou les violences du Congrès de Berlin ne pouvant effacer les frontières tracées par la nature, l’Italie, forte de son droit et voulant sauvegarder sa dignité, proteste contre la politique extérieure du ministère et écrit sur les sommets des Alpes Rhétiques et Juliennes, sur les portes de Trieste et de Trente, la devise de l’audacieuse prudence latine : Quod subreptum erit ejus rei æxterna auctoritas esto. »

Des réunions semblables eurent lieu à Milan, Gênes, Florence, Bologne, Ravenne. Au meeting de Rome, présidé par Menotti Garibaldi, on vota un ordre du jour « condamnant la violation du principe des nationalités par les plénipotentiaires de Berlin. »

Cependant, comme le déclarait un sénateur italien dans une étude sur le Congrès <<ref> Un po di commenti sul Trattato di Berlino, par le sénateur Jacini, Roma, 1878. </ef>, « nul ne songeait à faire la guerre à l’Autriche pour le Trentin. » Mais cette agitation, tolérée par le gouvernement, et visant si directement le territoire d’un État voisin, risquait à elle seule de provoquer ce résultat. Déjà on affectait de croire à Vienne que le ministère Cairoli, reprenant la tradition de Cavour envers Naples et les États de l’Eglise, favorisait secrètement le mouvement irrédentiste, et l’Autriche massait des troupes sur la frontière. On semblait être à la veille d’une rupture.

Le prince de Bismarck, avec son habileté coutumière, sut admirablement tirer parti de cette situation. L’Autriche mise à sa merci par l’écrasement de la France, il avait réussi à lui faire oublier Sadowa et la perte de sa prépondérance en Allemagne par des conquêtes en Orient, l’opposant ainsi pour l’avenir comme rivale à la Russie, ce qui était un autre avantage. Après le Congrès de Berlin, les relations entre l’Autriche-Hongrie et l’empire allemand devinrent chaque jour plus intimes. En 1879, le prince se rendit à Vienne. Il avait préludé à cette visite par de longs entretiens à Gastein avec le nonce, calculés sans doute pour émouvoir le Quirinal. À Vienne, il alla voir tous les ambassadeurs, sauf un :