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Affaires étrangères la note suivante : « La réunion du Trentin au royaume est essentielle pour l’Italie. Ce territoire appartient à la péninsule ethnographiquement, géographiquement, historiquement et militairement. L’Italie ne réclame même pas toute la partie du Tyrol italien qui fut annexée à l’ancien royaume d’Italie sous le nom de département du Haut-Adige. Ses demande » se bornent exclusivement aux populations italiennes... De la façon dont cette question sera résolue dépend en grande partie le rétablissement de rapports définitivement amicaux entre l’Italie et l’Autriche. »

Ces prétentions se heurtaient à un mauvais vouloir obstiné du gouvernement de François-Joseph. Celui-ci déclarait très haut qu’il préférait continuer la guerre plutôt que de céder une partie du Tyrol et de l’Istrie où ses troupes n’avaient connu que des succès. Ne pouvant songer à affronter seule une nouvelle guerre avec l’Autriche, l’Italie dut s’incliner ; le traité de paix (art. IV) stipula seulement que « la frontière du territoire cédé est déterminée par les confins administratifs actuels du royaume lombard-vénitien. » C’est aujourd’hui encore la frontière austro-italienne.

Ce traité fut accueilli par les Italiens sans enthousiasme. La guerre leur avait causé bien des déboires ; la paix non plus n’apportait pas tout ce qu’on en attendait. Lorsque la ratification du traité fut soumise à la Chambre, le député Cairoli exprima sa véhémente protestation contre l’abandon des frères italiens du Trentin et de l’Istrie.


II

La déception paraissait cruelle. Après la Lombardie, la Toscane, les Romagnes, Naples, la conquête de la Vénétie que l’on venait de réaliser, celle de Rome qui suivait bientôt, l’unité du Royaume était inachevée, puisque des terres italiennes restaient hors de ses frontières. Comme Crispi le reconnut un jour à la tribune, « les manifestations en faveur de l’Italia irredenta sont un douloureux héritage de la guerre de 1866 et de la paix conclue avec peu de prudence, et je dirai même avec peu d’habileté [1]. »

L’agitation irrédentiste voit ainsi survivre en elle, sous une

  1. Discours du 15 mars 1880.